Synopsis
Tout juste reçu au barreau, Léo est un avocat promis à un grand avenir. Les clients ne manquent pas de faire appel à son talent inné pour le droit des affaires. Mais les apparences sont trompeuses, et Léo découvre derrière une des entreprises qu’il défend la réalité d’une organisation criminelle. Bientôt, son sulfureux client l’entraîne dans l’illégalité la plus grande et une spirale de danger et de violence se referme sur lui. Léo doit décider entre sa vie et son client.
Equipe & Casting
Réalisateur : Cédric Anger
Scénario : Cédric Anger
Avec : Benoit Magimel, Gilbert Melki, Aïssa Maïga, Eric Caravaca, Samir Guesmi, Olivier Loustau, Barbet Schroeder
Programmation & Présentation
Présentation par les directeurs du Festival
Sunday, April 1 – 9:30 a.m at the Byrd Theater ~ 1h40 ~ Mature Audience
Plus d’informations
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Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’écrire et de réaliser ce film?
D’abord, des histoires réelles d’avocats pris dans ce type de situations que me racontait un de mes meilleurs amis, Jean-François Leforsonney, lui-même avocat et consultant pour le cinéma. Il me parlait de ses débuts à Marseille et de la manière dont il avait parfois été approché par des types mouillés dans des affaires de drogue et de prostitution. Lui-même avait été confronté à ce type de situation, et plutôt que de se retrouver dans la peau de Léo dans le film, il avait déménagé et s’était spécialisé dans d’autres domaines juridiques pour leur échapper. Mais d’autres de ses confrères n’ont pas eu cette prudence. Certains ont fini par trahir leurs clients encombrants, prenant le risque de rompre le secret professionnel et de s’exposer à l’interdiction d’exercer leur métier. D’autres sont restés loyaux et se sont retrouvés à porter les valises, sortant complètement de leur rôle de conseil. Toutes ces histoires me semblaient être une excellente base pour un film.
Votre film ne se borne pas seulement à l’aspect avocat/voyou…
Un point m’intéressait particulièrement. On trouve fréquemment chez les jeunes avocats, souvent marqués par des films comme La Firme ou les bouquins de John Grisham, le désir d’être en quelque sorte des personnages de fiction, des héros. Au lieu d’endosser un rôle de pur conseiller juridique, certains seront attirés par des clients sulfureux, même dangereux, avec l’espoir d’échapper à la monotonie de leur métier. Cette envie les entraîne parfois vers des situations dont ils ne savent plus comment sortir. C’est ce qui arrive à Léo. Il s’ennuie et attend du métier d’avocat qu’il le plonge dans la fiction, le danger.
Vous parlez de volonté d’être un héros, mais il est aussi question d’idéalisme…
Ou plutôt de la perte d’idéalisme. Le personnage principal de mon histoire, Léo, confie au début du film qu’à la base, on arrive dans le métier avec cette volonté de justice, cette envie de défendre la veuve et l’orphelin, mais qu’ensuite, on est assez vite rattrapé par le cynisme de la profession. C’est inhérent au métier d’avocat : il doit être du côté de son client. Il n’est pas là pour défendre la justice – comme peut le faire un juge – mais pour défendre le client. Il arrive alors à des raisonnements intelligents mais parfois cyniques, d’une totale mauvaise foi. Un avocat me répétait souvent cette phrase qu’il trouvait emblématique de son métier : « Il a tué son père, il a tué sa mère : vous n’allez pas condamner un orphelin ! ».
Votre personnage, qui bénéficie du capital de sympathie que génère Benoît, donne l’impression de céder sciemment à des compromissions et à un engrenage dont il va ensuite prendre toute la mesure…
L’histoire de Léo est celle d’un gâchis. Ce jeune homme a du talent, il plaide bien, mais – et c’est essentiel pour moi – il n’a plus la possibilité de plaider quatre heures durant en construisant son argumentaire de manière très littéraire, en le développant de façon très théâtrale, comme c’était encore le cas voilà quelques années. Les tribunaux sont engorgés, les avocats d’aujourd’hui ont donc moins de temps pour convaincre et plaider, ils doivent frapper fort et vite. Le tribunal n’est plus une scène, c’est un ring. Léo possède ce talent-là. Il pourrait s’affirmer comme un excellent avocat pénaliste. Pourtant, par fascination pour l’argent et un certain mode de vie, par désir de vivre des situations fortes, il cède aux tentations. Manipulé par Vanoni, il va perdre le contrôle et n’aura une chance de s’en sortir qu’en cédant à une autre manipulation : celle de la police. Il doit se jeter dans un piège pour se libérer d’un autre.
Dans votre volonté de mise en scène, on est au plus près des personnages, on les entend penser, on les voit hésiter, mais sans tentative d’esthétisation du crime…
Mon premier film, Le Tueur, était d’apparence beaucoup plus stylisé. Comme l’action y était sans cesse différée, la mise en scène jouait davantage son rôle d’entraînement. Pour L’Avocat, mon idée était d’être vraiment au plus près des acteurs, d’avoir un regard direct et humain sur les personnages. Pas de pyrotechnie, pas de bluff, je voulais tester ma capacité à rester à hauteur d’homme et retrouver un peu du charme que j’aime dans le cinéma américain des séries des années 40/50, très ancrés socialement, avec des films très réalistes où la mise en scène colle à l’histoire.
Dans certaines scènes, vos comédiens vous ont-ils emmené plus loin que ce que vous aviez envisagé ?
Les comédiens surprennent tout le temps, cela fait partie du plaisir ! J’aime laisser aux acteurs la possibilité des initiatives. Je leur dis ce que je veux obtenir, mais les bons acteurs surprennent en vous faisant atteindre le résultat espéré par des voies que vous n’aviez pas prévues. C’est ce qu’il faut essayer d’obtenir. Mais tout cela n’est pas théorique, ça se fait ou pas sur le moment.
Comment s’est déroulé le tournage ?
En tant que metteur en scène, je travaille évidemment en fonction de ce que j’ai envie d’obtenir, mais aussi en m’adaptant autant que possible au rythme des comédiens et à leur façon de travailler. Par exemple, Benoît n’aime pas tellement répéter ni traîner sur le plateau. Il vient pour la prise, l’intensité de la prise, et repart. Gilbert aime rester sur le plateau, détendu, au contact de l’équipe. S’il y a des incertitudes, nous les réglons en tête à tête, mais ce qui compte est d’harmoniser ce que je cherche à obtenir et leur rythme propre. À chaque nouvelle prise, pour qu’elles ne se ressemblent pas, on apporte des petits changements. Le jeu d’un acteur est comme une petite flamme qui va expirer : vous y jetez un peu d’essence ou de pétrole et elle repart.
Savez-vous ce que ce film représente pour vous ? Vous a-t-il appris des choses sur vous-même, votre envie de cinéma?
Mon film précédent était un film d’hiver, peu bavard, où l’action était en permanence différée. À l’inverse, celui-ci est un film d’été, fait sur la parole, une course permanente. Je ne souhaite pas non plus me spécialiser dans le film criminel, mais il me semblait amusant de montrer deux films de genre qui forment un peu un diptyque : « le tueur et l’avocat ». Nous avons montré le film à de grands avocats pénalistes et à des juges. Tous estiment qu’il devrait être projeté dans les écoles d’avocats parce qu’il expose exactement les dangers auxquels ceux-ci peuvent être soumis. Aujourd’hui, le statut de l’avocat a changé. Il n’est plus le notable respecté exerçant une profession prestigieuse. Pour le pire et le meilleur, les rapports se sont durcis, sont devenus plus tendus, plus nerveux. C’est aussi cette réalité-là qu’il fallait montrer. Ainsi que le cynisme de l’époque. Léo fuit le quotidien et essaie d’être à la hauteur de ce qu’il croit être un personnage de cinéma, mais quand ça devient trop chaud, il se lave et se refait une virginité par la trahison.
Comment avez-vous rejoint ce projet ?
J’avais rencontré Cédric Anger sur le film de Xavier Beauvois, Selon Matthieu, dont il était scénariste. Nous avions sympathisé. J’avais apprécié son regard sur le cinéma. Tous deux grands fans de Jean-Pierre Melville, nous avions beaucoup parlé. On avait bien accroché. Après cela, j’ai suivi sa carrière et j’ai vraiment été très heureux quand il est venu me proposer son film.
Comment avez-vous approché votre personnage ?
Je l’ai d’abord abordé professionnellement, en allant au tribunal de grande instance de Paris voir plaider un avocat qui m’a été présenté par le réalisateur Jérôme Salle, maître Garbarini, un spécialiste très réputé du droit pénal. J’ai assisté à plusieurs de ses plaidoiries. Ce fut une vraie source d’inspiration pour certains aspects de mon rôle.
Vous jouez face à Gilbert Melki. Quel regard portez-vous sur lui ?
Gilbert est toujours étonnant. Dans sa façon de travailler, je trouve que c’est un acteur très anglo-saxon. Il offre à la fois une exubérance, une discrétion et une simplicité que j’apprécie vraiment. Je lui ai beaucoup envié son rôle pendant le tournage parce que j’adore les rôles de voyous.
Comment expliquez-vous que votre personnage, Léo, se compromette alors qu’il est loin d’être stupide ?
Il est malheureusement fasciné par le milieu, comme beaucoup d’avocats qui ont défendu de grands voyous. Ces avocats n’ont pas tous la même dimension, certains ont plus de classe que d’autres, mais l’argent, les filles, la belle vie et tout ce que dégage ce milieu le tente. Il y a quelque chose de l’ordre du mythe et de la fascination. Je pense que c’est un film qui peut servir de mise en garde : il vaut mieux éviter de s’acoquiner avec ce genre de clients parce que quand on commence à tremper dans leurs affaires, il devient très difficile d’en sortir. Quand on joue avec le feu, on finit toujours par se brûler.
La situation lui échappe et il se retrouve pris dans un engrenage…
Léo se retrouve pris au piège. Il est dépassé. Quand on a décidé de défendre quelqu’un, on doit le défendre jusqu’au bout, et si on trahit un client on est rayé du barreau : plus personne ne peut vous faire confiance. Vous pouvez mettre la clé sous la porte et vous inscrire au chômage. Léo ne pensait pas que l’escalade serait si rapide et si impliquante. Il espérait défendre un type avec des activités plus ou moins illégales, mais il n’imaginait pas que cela irait aussi loin. Il va se retrouver face à un problème de moralité. Il va prendre conscience qu’en agissant ainsi, il va à l’encontre de ses valeurs et de ses intérêts profonds. Quand on devient avocat, on rêve de grandes causes, d’un idéal de justice. Il est donc assez triste de voir un avocat sombrer comme il le fait.
Selon vous, qui sont les meilleurs acteurs ? Les comédiens ou les avocats ?
Certains pensent que c’est un peu le même métier. J’ai rencontré des magistrats qui trouvaient que les acteurs et les avocats étaient très différents, mais je pense qu’il y a une notion de prestance qui compte. J’ai vu plusieurs avocats plaider dont maître Garbarini, que j’apprécie beaucoup. Avec d’autres, parfois, il ne se passe rien, ça manque de prestance. À mon avis, s’il existe un lien entre l’avocat et l’acteur, c’est la prestance.