Synopsis
6 mai 2007, second tour de l’élection présidentielle. Alors que les Français s’apprêtent à élire leur nouveau Président, Nicolas Sarkozy, sûr de sa victoire, reste cloîtré chez lui, en peignoir, sombre et abattu. Toute la journée, il cherche à joindre Cécilia qui le fuit. Les cinq années qui viennent de s’écouler défilent : elles racontent l’irrésistible ascension de Sarkozy, semée de coups tordus, de coups de gueule et d’affrontements en coulisse. La conquête : l’histoire d’un homme qui gagne le pouvoir et perd sa femme.
Equipe & Casting
Réalisateur : Xavier Durringer
Scénario : Patrick Rotman
Directeur de la photographie : Gilles Porte
Avec : Denis Podalydès, Florence Pernel, Bernard Le Coq, Hippolyte Girardot, Samuel Labarthe, Michèle Moretti, Saïda Jawad, Mathias Mlekuz, Grérory Fitoussi, Pierre Cassignard, Dominique Besnehard, Emmanuel Noblet, Michel Bompoil, Gérard Chaillou, Nicolas Moreau, Yann Babille Keogh, Fabrice Cals
Programmation & Présentation
Présentation et discussion avec Gilles Porte, directeur de la photographie
Friday, March 30 – 9:30 p.m at the Byrd Theater ~ 1h45 ~ Parental Guidance
Plus d’informations
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Comment vous est venue l’idée de réaliser un film sur un président de la République toujours en fonction ?
Quand Eric et Nicolas Altmayer m’ont proposé un projet écrit par Patrick Rotman autour de la conquête du pouvoir de Nicolas Sarkozy, j’ai été un peu affolé car jamais on n’avait fait un film sur un président en fonction, y compris aux États-Unis. Comment lutter contre mes propres peurs et contre ma paranoïa pour attaquer une telle montagne ? Pour y répondre, je me suis dit qu’il fallait être honnête dans l’approche et reposer la question du politique en France. Par exemple, on a choisi d’emblée de conserver les noms des protagonistes. Ce qui posait d’ailleurs des problèmes d’ordre légal. Et plus on me disait de ne pas toucher à ce sujet, plus l’excitation et la passion m’emportaient. Il fallait faire ce film. Conquérir une terra incognita.
Qu’est-ce qui vous a le plus séduit dans la réalisation de ce film ?
Ce qui me semblait passionnant, c’est qu’il s’agissait d’une lutte au sein d’un même clan : il y avait Chirac, Villepin et Sarkozy qui se disputaient le pouvoir. On était donc très proches d’un scénario shakespearien. Mais ce qui m’a aussi séduit, c’est cette métaphore extraordinaire du rapport amoureux à travers cette femme – Cécilia Sarkozy – qui, pendant vingt ans, se bat pour sortir l’homme qu’elle aime de l’ombre et l’amener dans la lumière. Et qui, le jour où cet homme accède au pouvoir, le quitte pour partir avec un autre. Du pur romanesque ! Du drame absolu !
Il ne fallait surtout faire ni un film à charge, ni un panégyrique, mais montrer que ces personnages sont des êtres sensibles, profondément humains, parfois émotionnellement compliqués voire perturbés. C’est donc un film sur la politique, mais aussi sur les enjeux affectifs et psychologiques de la conquête du pouvoir. Au fond, ce que je voudrais, c’est qu’en sortant de la projection les gens aient envie de parler de la représentation du monde politique : le film est fait pour susciter le débat, pour que les spectateurs se demandent pourquoi Sarkozy les a autant touchés ou comment il a réussi à capter 80% de l’électorat de Le Pen.
Il s’agissait de décrire le mécanisme infernal de la conquête : ce film est sous forme d’un terrible mémento.
Le monde politique ressemble-t-il à une pièce de théâtre ?
Je me suis rendu compte que l’homme politique, dans son rapport aux médias et à la « peopolisation », était très proche des vedettes de cinéma ou de la chanson. Tout comme l’artiste, l’homme politique est tout en représentation : il est coiffé, maquillé, habillé. On lui écrit ses discours, il les répète et les joue devant un public. Lorsqu’il est sous les projecteurs, il est face à une foule qui l’applaudit. Comme l’acteur, il se sent seul avant d’entrer en scène. En fait, ils sont constamment épiés, sous le feu des critiques de la presse, tant dans leur propre camp que celui des adversaires. Cela m’a fait penser à une métaphore théâtrale. Car, pour moi, ce film est une représentation de la réalité. D’ailleurs, comme un acteur de théâtre, l’homme politique se retrouve par moments coupé de la réalité du monde. Du coup, c’était important qu’on voit Sarkozy répéter devant des salles vides avant d’apparaître devant son public, ou de le voir se mettre littéralement en scène devant les journalistes pour afficher sa tristesse ou son désarroi et pour montrer aux Français qu’il est un homme comme les autres. Le tout étant calculé et maîtrisé pour toucher les électeurs grâce à un travail sur l’image – un vrai travail d’acteur.
C’est vraiment Nicolas Sarkozy qui a bouleversé le rapport du politique aux médias et l’image qu’on pouvait avoir des hommes politiques en se starifiant. Il a joué la transparence. Pour la première fois dans la vie politique française, le chef de l’État s’affiche en lunettes de soleil dans les magazines people qui relatent ses vacances ou sa liaison avec un mannequin ! Il est le premier à avoir mis en scène ses propres émotions. C’est grâce à cela qu’on a pu en faire un film.
Pour certaines scènes, vous vous êtes inspiré des codes du western ?
Ce qui est très frappant, c’est que l’univers des hommes politiques relève des mêmes codes que ceux du film noir : ils sont entourés de gardes du corps armés, munis d’oreillettes et de lunettes noires, qui font partie d’un système pyramidal organisé autour du chef. Un peu comme dans Le Parrain, qui était déjà une métaphore du metteur en scène, on se flingue ici à coups de petites phrases assassines et de déclarations lapidaires, et on téléphone avec la main devant la bouche pour éviter qu’on ne lise sur les lèvres. D’ailleurs, on est constamment dans le culte du secret où les portes-flingues et autres lampistes sont prêts à tomber pour protéger le chef, au nom d’un certain code de l’honneur.
Il y a aussi une truculence des dialogues, notamment chez Chirac et Villepin qui s’expriment souvent comme des hussards. C’est pour cela que j’ai utilisé les codes du western en cadrant mes protagonistes en gros plans – sauf qu’ici, on se flingue avec des mots. Et moi qui ai eu l’habitude de faire des films autour de bandes d’hommes, je me sentais assez à l’aise dans cet univers politique où Sarkozy est constamment entouré de ses conseillers. Ces dialogues – à la Audiard – qui résonnent sous les lambris dorés de la République, dans des situations parfois dramatiques, donnent au film énormément d’humour, et on est à certains moments proches de la comédie pure.
Le choix des acteurs a-t-il été difficile ?
Quand Denis Podalydès est arrivé pour les essais, le crâne chauve recouvert d’un peu de cirage, il s’est produit une alchimie extraordinaire : il avait une scansion, une rythmique et une gestuelle proches de Sarkozy, sans aller dans l’imitation ou la caricature. À partir du moment où sa voix était juste, je savais que son corps serait juste. On n’a utilisé ni artifice, ni prothèse, si ce n’est du maquillage comme pour tout acteur. Denis m’a tout de suite dit : « Je serai sincère ». Du coup, il a interprété le personnage avec ses qualités et ses défauts, si bien qu’on croit à ce qu’il dit au moment où il le dit. Ce qui résume formidablement l’homme qu’est Sarkozy. Par exemple, il est incroyablement sérieux dans ses déclarations, même quand il dit qu’il va faire une retraite dans un monastère, alors qu’il finit sur le yacht de Bolloré. Mais on y croit. Denis a un talent inouï pour la comédie, il apporte sérieux, et truculence au personnage. On pourrait presque croire aujourd’hui, en regardant Nicolas Sarkozy, qu’il est une caricature de l’acteur Podalydès.
Face à lui, il fallait trouver des interprètes qui ne soient pas totalement « dévorés » par l’extraordinaire acteur qu’est Denis. Avec Bernard Le Coq dans le rôle de Chirac, Samuel Labarthe dans celui de Villepin et Florence Pernel en Cécilia, tous plus vrais que nature, j’ai trouvé des comédiens à sa hauteur qui ont joué leur partition en parfaite symbiose avec lui. Ils ont tous fait un formidable travail sur le corps et sur la voix, ce qui était un exercice périlleux.
De même, je voulais que les seconds rôles, comme Hippolyte Girardot, Saïda Jawad, Mathias Mlekuz, Grégory Fitoussi, et Dominique Besnehard, aient chacun leur fonction auprès de Nicolas Sarkozy, leur façon si particulière de servir le chef et de s’adresser à lui… On a fait avec tous un gros travail de table, de lectures et de discussions incessantes. Tout comme il fallait aussi diriger les figurants pour qu’ils soient parfaitement crédibles dans leur manière d’acclamer ou de toucher Sarkozy, comme s’ils voulaient faire corps avec lui. Et c’est parce que Denis sentait cette ferveur qu’il pouvait s’en servir pour être galvanisé par la foule.
Pourquoi avoir choisi une mise en scène classique ?
Il nous fallait une mise en scène classique : j’ai alterné entre des travellings et de grands plans-séquences sur Denis Podalydès qui pouvait jouer son texte pendant trois ou quatre minutes d’affilée. Il s’agissait de laisser les acteurs prendre toute leur place et respirer – en somme, leur laisser la liberté d’être. Même si on a l’impression d’être à l’Elysée ou à Beauvau, ce ne sont pas les décors que l’on filme : ce qu’on filme, ce sont les visages et les corps. C’est pour cela qu’il y a autant de plans larges : pour donner toute sa place au corps entier des acteurs, et privilégier le rythme et le mouvement pour qu’il n’y ait pas deux scènes identiques. En m’appuyant sur les photos, j’ai remarqué que les conseillers étaient sans cesse debout, aux aguets, en alerte. Du coup, si Villepin et Sarkozy sont assis à un bureau, l’entourage des « chefs » est lui constamment en mouvement. On a tourné en Scope super 35, avec une seule caméra.
Quelle a été votre première réaction lorsqu’on vous a proposé d’incarner Nicolas Sarkozy ?
Un enthousiasme immédiat. Pourquoi ? Le goût des films politiques. Voilà des années que j’attendais d’incarner un homme politique, réel ou fictif. La politique est un formidable champ de jeu et de situations que le cinéma français a peu exploré. À l’étranger, bien des films ont montré la voie: The Queen, Il Divo, ou plus récemment W. – L’Improbable Président. Sur le moment, que Sarkozy soit le président en exercice ne m’a pas dérangé et n’a pas entamé mon enthousiasme. Au contraire même. J’avais envie de jouer dans le présent, au présent. C’est ce désir d’approcher de l’intérieur ce personnage étonnant qu’est Nicolas Sarkozy, qu’on soit de son bord ou non.
Avez-vous ressenti le besoin de vous documenter ? De visionner des images d’archives afin d’étudier le « personnage » ?
Oui, je suis passé par le travail normal sur ce genre de rôle : écouter la voix, visionner les documentaires existants, les reportages, les multiples images – il y en a presque à l’infini. Et puis laisser venir, s’immerger, laisser la figure prendre peu à peu sa place, sans forcer le travail. On ne voulait pas forcément créer une copie, un double exact par le visage, la voix ou la démarche, mais créer un air de famille, une figure qui fut tout à fait moi et tout à fait – ou presque – Sarkozy. J’ai lu une très belle réponse de Depardieu à une question semblable : « Il n’y a rien à faire, il faut laisser glisser ». Il ne parlait certes pas d’un rôle de composition, mais je crois qu’il faut aussi, même en voulant incarner quelqu’un comme Sarkozy, « laisser glisser » pour donner le sentiment que l’acteur et le personnage sont libres.
Vous intéressez-vous en général à la politique ?
Oui, beaucoup. Je lis les rubriques « politique » dans la presse comme un vaste roman feuilleton qui s’écrit au jour le jour. Il y a des périodes passionnantes, parfois angoissantes, comme en ce moment.
Est-ce qu’on s’approprie un personnage tel que Nicolas Sarkozy ?
Il faut essayer de ne pas être partisan, de faire taire en soi le citoyen qui vote et qui juge. Aller plutôt chercher le côté physique, l’animal politique qu’est Sarkozy, le rendre vivant, vivace, rapide, et mystérieux. Et drôle. Ce qu’il est. Il a beaucoup d’humour comparé à d’autres politiques.
Comment avez-vous travaillé la voix ?
Par imprégnation lente. En ressassant certaines phrases. Je ne cache pas un certain travail d’imitation, mais de l’intérieur, si je peux dire, en laissant venir la voix sans la forcer, en cherchant l’exactitude du rythme plus que l’exactitude du timbre.
Comment faire en sorte d’éviter la caricature ou le pastiche ?
Il faut du temps, de l’attention, de la patience. Beaucoup écouter et observer. Je me passais certaines émissions en boucle comme j’aurais écouté un disque : 100 minutes pour convaincre, avec Arlette Chabot, par exemple. Et il ne faut jamais regarder ou écouter les imitateurs. Parfois aussi couper le son, ne regarder que le corps. Ou ne faire qu’écouter la voix. Se détacher du contexte immédiat de l’élection présidentielle. Imaginer aussi, improviser des situations en y emmenant le personnage. Se détacher peu à peu d’un réalisme strict. Après tout, dans le film, il devient un personnage de fiction.
Avez-vous eu besoin d’un minimum d’empathie pour lui, en faisant d’ailleurs abstraction de vos opinions politiques ?
Oui, mais d’une certaine manière, je m’identifie facilement aux hommes politiques. Ils m’intéressent de toute façon, de gauche ou de droite. Lui m’avait toujours intéressé, bien que j’aie toujours voté à gauche, sans état d’âme particulier à ce sujet.
Par moments, « votre » Sarkozy évoque un personnage shakespearien, une sorte de Roi Lear, tour à tour grandiose et pathétique, émouvant et odieux…
Shakespeare est le plus grand auteur de drames politiques. Ses personnages ont influencé tout le théâtre qui touche à ces questions, et le cinéma aussi, qui n’a pas échappé à cette influence. Parfois je pensais à Richard III, alors que je venais de jouer Richard II.
Les costumes vous ont-ils aidé à entrer dans la peau du personnage ?
J’ai particulièrement goûté le travail de Jurgen Doering, qui m’a emmené chez un tailleur du 8e arrondissement de Paris où s’habillent certains hommes politiques, et où nous avons trouvé les costumes. Je rends aussi hommage au talent prodigieux de Dominique Colladant, maquilleur, avec lequel nous avons mis au point le visage – le maquillage et la perruque – et aux personnes qui ont assuré le suivi.
Êtes-vous d’accord pour dire qu’il y a une proximité entre la vie politique et le théâtre ?
Oui, bien sûr. Proximité mais pas identité. Le Président, quand il se couche, est toujours le Président. L’acteur n’a plus rien à voir avec son personnage lorsqu’il va se coucher. Il faut se méfier des rapprochements entre théâtre et politique, théâtre et cinéma. Cela flatte peut-être mais accrédite aussi l’idée du mensonge permanent en politique.
Comment avez-vous travaillé avec Xavier Durringer ?
Une grande liberté dans le travail. Des plans séquences. Une ouverture à l’improvisation, à la bifurcation. Un sens du rythme et de la comédie. Un accord parfait dans les enjeux et les méthodes de travail. On avançait ensemble et en confiance, en s’amusant et en se passionnant. Il a lui-même une énergie sarkozienne – mais pas sarkozyste, je précise !