Synopsis
Petit-fils d’une légende de rugby, fils d’une légende, et lui-même légende de rugby, Jo Canavaro élève seul son fils de 13 ans, Tom, dans un petit village du Tarn. Au grand dam de Jo, Tom est aussi bon en maths que nul sur un terrain. Pour un Canavaro, la légende ne peut s’arrêter là, quitte à monter une équipe de rugby pour Tom contre la volonté de tout le village et celle de son fils lui-même…
Equipe & Casting
Réalisateur : Philippe Guillard
Scénario : Philippe Guillard
Avec : Gérard Lanvin, Olivier Marchal, Vincent Mascoto, Karina Lombard, Jérémie Duval, Pierre Laplace, Lionnel Astier, Laurent Olmedo, Darrens Adams
Programmation & Présentation
Présentation et discussion avec Philippe Guillard, réalisateur
Sunday, April 1 – 12:00 p.m at the Byrd Theater ~ 1h35 ~ General Audience
Plus d’informations
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Comment est né Le Fils à Jo ?
Lorsque j’écrivais le scénario de 3 Zéros avec Fabien Onteniente, en 2001, les producteurs du film m’ont demandé un scénario sur le rugby. Un peu culotté à l’époque, je leur ai dit que j’avais déjà une idée de film mais que j’aimerais aussi être le réalisateur. À ce moment là, un contact s’est aussi noué avec Gérard Lanvin. Je trouvais qu’il ressemblait à mon Jo Canavaro. Et puis, un jour, lors d’un déjeuner, je lui ai raconté l’histoire. Deux heures après il m’a rappelé pour me dire qu’il voulait faire le film. Mais les producteurs de l’époque se sont retirés du projet pour des raisons diverses. Je me suis dit que j’avais fait un beau rêve et j’ai rangé mon scénario dans un tiroir.
Quelle bonne fée vous a permis de le ressortir ?
Il y en a eu plusieurs. D’abord, il y a Vincent Moscato qui m’a fait rencontrer Olivier Marchal en 2005. Au cours de notre dîner, j’en ai profité pour lui glisser Le Fils à Jo. L’histoire l’a touché, mais ce n’est qu’en 2008 que, un peu fatigué de faire des films noirs, il m’a appelé en me disant qu’il voulait relire mon scénario. Trois heures après le lui avoir passé, un coup de fil : il voulait le réaliser. Entre temps, sur le film Disco, une amitié était née avec le producteur Cyril Colbeau-Justin, le producteur d’Olivier depuis la première heure et qui dès notre première rencontre m’a encouragé à faire mon premier long métrage. La connexion entre tous ces « grands frères » s’est faite comme ça. Enfin le film allait se faire. J’étais tellement heureux que j’étais prêt à abandonner mon rêve de le porter, moi, à l’écran.
Qu’est ce qui a changé la donne ?
Un jour, j’ai raconté à Olivier et Cyril la genèse du projet, ma rencontre avec Gérard et comment je voyais le film. Olivier m’a alors dit ceci : « C’est à toi de le réaliser, sinon tu vas le regretter toute ta vie. Nous on va le produire ». Il était minuit, et je me suis dit que les ennuis allaient commencer.
Le rugby tient une place importante, mais est-ce selon vous le véritable sujet ?
Il s’agit seulement d’amour. Celui d’un père, maladroit, qui ne comprend pas son fils, mais qui a pour lui une tendresse infinie. Et aussi l’amour fraternel de mecs, sans famille, unis et réunis par le rugby.
Comment vous êtes vous préparé à réaliser votre premier long métrage ?
Comme à un combat. Il fallait que je sois au top. Grâce au storyboard que j’ai fait tout seul en m’enfermant quinze jours dans une chambre d’hôtel à Conques et au travail de pré-réalisation avec le chef opérateur, je savais exactement où j’allais mettre la caméra pour chaque scène, ce qui m’a permis de me détacher de la technique pendant le tournage pour être plus près des acteurs. J’avais besoin de le faire. Je crois bien ne m’être quasiment jamais assis sur la chaise marquée « réalisateur ». Je trouvais que je ne méritais pas ce titre.
Quels étaient, pour vous, les pièges à éviter ?
Surtout ne pas tenter de raconter cette histoire en l’intégrant dans le contexte du rugby de haut niveau. En choisissant de faire tourner des mômes, je me débarrassais de toute référence cinématographique, et je crédibilisais mon sujet. Je ne voulais pas non plus tomber dans le cliché du rugby « sport du Sud Ouest ». D’où la discrétion des accents. Même si on a tourné dans le Tarn, j’ai aussi choisi un coin qui ressemble au centre de la France, afin de toucher tout le monde.
Qu’est ce qui a été le plus compliqué ?
Trouver Tom. Il fallait un môme qui inspire de la tendresse et montre une cicatrice puisque le personnage n’a jamais connu sa mère. On a mis du temps. J’ai fini par sélectionner quatre garçons. Jérémie Duvall n’en faisait pas partie. C’est la directrice de casting qui m’a conseillé de le revoir. Quand je lui ai demandé qu’il me raconte le plus beau et le plus dur moment de sa vie, j’ai ressenti que ce gamin se trimballait un passé, qu’il avait une épaisseur. Il riait, il pleurait. Il était beau. Il ressemblait à Lanvin. Il était celui que je cherchais.
Les femmes restent au second plan : pourquoi ?
C’est vrai, mais je n’aurais pas atteint mon but si je les avais mises en avant. Elles mettent en relief la fragilité des hommes. J’espère toucher le cœur des femmes au travers de ces mecs un peu ours, tendres, seuls, paumés. C’est une histoire d’hommes pour les femmes qui aiment les hommes.
À quel point votre passé de rugbyman vous a-t-il servi sur le plateau de tournage ?
Rugby et cinéma sont deux sports collectifs. Chaque membre de l’équipe était compétent, il m’a juste fallu les faire jouer ensemble. Mon souci était que tout le monde soit heureux d’être là, que chacun ait la banane en arrivant le matin et en repartant le soir.
Comment y êtes-vous parvenu ?
Dans mes bagages, j’avais apporté un ballon de rugby. Ce ballon a été notre mascotte. Il n’a pas cessé de circuler de main en main. Techniciens, comédiens, filles et garçons s’essayaient à la pause aux drops, aux passes vissées. Tout le monde a joué, touché ce ballon. Nous formions une grande équipe de rugby de 50 personnes…
Est-ce un film autobiographique ?
Je n’ai jamais vécu ce type de relation ni avec mon père, ni avec mon fils qui, lui, joue au foot. C’est d’ailleurs en l’accompagnant un jour à un match que j’ai assisté à une scène à la fois pathétique et comique : un père passait son temps à pourrir son môme, gardien de but, parce qu’il avait pris un but. Il était là mon sujet. Tom désespère Jo parce qu’il n’est pas bon dans un sport où lui, et son père avant lui, ont été des cadors. Le rugby est un sport de famille, où on se passe la balle d’une génération à l’autre.
Ce film respire la nostalgie. Est-ce aussi une caractéristique de rugbymen ?
On la porte constamment en nous. C’est l’occasion de se rappeler que ce qu’on est devenu ne tient que par ce qu’on a été. Mais pour le coup, je suis d’une nature particulièrement nostalgique. Le futur ne m’excite pas, je ne sais même pas si j’y serai ! La nostalgie, j’en ai des caisses à la maison. Je garde tout. Les tickets de métro, mes agendas, et même les cassettes de répondeur téléphonique des années 1984 à 1990, époque où je jouais au Racing. Quand je réécoute les messages, les voix, toute cette folle jeunesse me revient en pleine tête, je revis ce passé en direct.
Réalisez-vous que ce premier film vous lie à Clint Eastwood ?
À la grande différence près que lui compte plusieurs Oscars. Moi je n’ai qu’un Gérard. Ce qui n’est déjà pas mal en soi.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette histoire ?
Avant tout, de pouvoir tenir mon engagement. Entre 3 Zéros et Camping, Philippe était venu me voir à La Baule et m’avait parlé de son envie de faire un film sur l’univers du rugby, mais surtout d’un père qui n’a pas compris que d’élever son enfant c’est l’aider à devenir ce qu’il est et pas ce qu’on voudrait qu’il soit, ça s’appelle l’amour. Dans son travail sur les films d’Onteniente, j’avais perçu une belle sensibilité chez lui. Je lui avais donc dit banco. Je n’ai qu’une parole.
Etait-ce un choix d’hommes ?
Exactement. Avec Philippe, nous partageons les mêmes valeurs de la vie qui consistent à avoir le sens de la fidélité, de l’amitié, le respect des autres aussi. Ceux qui ont appris ça se reconnaissent tout de suite.
Un héritage de vos années rugby ?
Entre autres. J’en ai fait dix ans. On jouait sur des terrains défoncés à l’époque, et les équipes étaient très hétéroclites. Il m’est arrivé de jouer entre 12 et 18 ans contre des mecs de 20 ou 30 ans, vous imaginez les « pains » qu’on se prenait. Mais tous les mercredis, je retrouvais mes potes à l’entraînement avec le même bonheur au cœur. Malgré le froid, la boue, la douleur parfois, j’en garde le souvenir des moments de grâce, vécu en commun sur le terrain d’abord et puis après, en dehors. Avec Philippe, on avait envie d’évoquer cet univers.
Etes-vous intervenu sur le scénario ?
Je ne le fais que lorsque je peux amener quelque chose de constructif, pour essayer de densifier le personnage, de lui donner un supplément de vérité. La lecture du scenario provoque des envies, des mots. Mon rôle auprès de Philippe a surtout été de l’appeler régulièrement, pour prendre de ses nouvelles et pour le soutenir dans ce travail solitaire, long et parfois douloureux qu’est l’écriture.
Comment résumeriez-vous ce film ?
Ce n’est pas un film drôle, c’est un film où l’on rit. Ce n’est pas un film triste, c’est un film où l’on pleure. C’est une histoire simple et touchante, qui m’a énormément rappelé Billy Elliot, un film que j’adore, comme tout le cinéma anglais d’ailleurs. On est dans le même schéma ici, avec un gamin qui va pousser son père à se remettre en question. Jérémie Duvall a très bien su amener ça. Il n’y a que dans le partage avec les autres qu’on est bon à l’écran. Ce plaisir traverse le film et nous a tous porté. Je pense notamment à Vincent qui avait un sacré défi à relever. Le rôle que lui a écrit Philippe était casse-gueule. Mais avec le vécu qui est le sien, le sens du collectif que lui a donné le rugby, il est un formidable Pompon, et un vrai camarade de jeu, attentif et généreux.
Que faut-il pour être un bon rugbyman au cinéma ?
Ce sont les autres, vos partenaires, qui vous crédibilisent. Mais ce n’est pas un film sur des rugbymen, c’est avant tout une histoire de famille dans laquelle je joue un père psychorigide, mais fragile aussi. Mon travail a été de l’incarner comme un type qui se trompe et surtout d’éviter d’en faire un abruti. C’est un mec à l’ancienne, qui n’a pas beaucoup d’exigences, qui se satisfait de ce qu’il fait. Il faudra la rébellion de son fils et l’arrivée déstabilisante d’une femme pour le forcer à sortir de sa bulle.
Qu’est-ce qui caractérise Jo Canavaro dans son rapport aux femmes ?
Depuis la disparition de sa femme, Jo n’éprouve plus aucun intérêt pour le sexe. Elle a perdu la vie dans un accident de voiture juste après s’être disputée avec lui. Depuis, il vit avec un écrasant sentiment de culpabilité. Il a donc pris l’habitude de vivre renfermé sur ses émotions. Et puis il y a son fils. Comment mettre une femme dans le petit cercle qu’ils ont formé ? C’est plus simple pour lui d’être seul. Il n’en ressent d’ailleurs aucune frustration sentimentale. La jolie Alice Hamilton (Karina Lombard) provoque d’abord de la méfiance chez lui. Elle représente un risque. Celui d’un bouleversement intime auquel il ne se sent pas forcement prêt.
Il est l’antithèse de son meilleur ami, le Chinois…
Et c’est pour cela qu’ils sont terriblement complices. Autant Jo est replié sur lui, autant le Chinois est expansif. De retour à Doumiac après dix ans en Nouvelle-Zélande, il ramène avec lui un peu de joie qu’il communique aux autres. Les rugbymen fonctionnent dans la douleur de l’effort et après dans le bonheur de la vie et la sentimentalité. C’est ce qui se produisait aussi hors plateau. On a passé deux mois et demi à se régaler de jour en jour et à refaire le monde le soir venu, à huit, dix, ou plus autour de la table du dîner, aidés – il faut bien le dire – de quelques bouteilles. Je crois bien en avoir comptées mille à la fin…
Sur quoi s’est nouée votre complicité manifeste à l’écran avec Olivier Marchal ?
Sur notre réconciliation. Avec Olivier, nous étions brouillés depuis vingt ans. Cela remonte à l’époque où, le cinéma m’ayant encore une fois fait défaut, je tournais dans une série télé de troisième zone pour nourrir ma famille. Lui était encore flic, mais il amenait régulièrement des scénarios chez Hamster Production. On m’en a fait lire un. J’ai dit que c’était de la merde. Il l’a su et il l’a mal pris. Quand Le Fils à Jo s’est présenté, il a bien fallu qu’on se parle puisqu’on allait devoir jouer ensemble. On s’est vu, on a discuté et on ne se quitte plus. Lui trouve qu’on a perdu 20 ans. Mais je crois que, jusqu’ici, on n’était pas prêts.