Synopsis
Vincent Lindon et Alain Cavalier, liés par l’amitié, presque comme père et fils. Boire du Porto dans les bars, se demander quel film on peut faire ensemble. De temps en temps, mettre une cravate et un costume. Se filmer en hommes de pouvoir. Histoire de voir jusqu’où on peut mettre les pieds dans le plat. Histoire de rire. Histoire à dormir debout si on confond histoire personnelle et histoire tout court. Et toujours, la bonne question sans réponse du cinéma : est-ce vrai ou pas ?
Equipe & Casting
Réalisateur : Alain Cavalier
Scénario : Alain Cavalier
Avec : Vincent Lindon, Alain Cavalier
Programmation & Présentation
Présenté par les directeurs du Festival
Friday, March 30 – 2:30 p.m at the Byrd Theater ~ 1h45 ~ General Audience
Plus d’informations
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L’année dernière, vous disiez : « Je fais un truc avec Cavalier mais je ne sais pas vraiment quoi …»
C’était parce que je n’avais pas envie de vous en parler… Je savais un peu quoi quand même. Cavalier m’avait donné dix pages, un itinéraire – on ira à tel endroit en passant par telle ou telle ville, en gros, mais on ne sait pas si on prendra des itinéraires bis, des départementales, des autoroutes…
Comment vous êtes-vous connus ?
Je l’ai vu traverser la rue un jour en 2001 et j’ai fait pareil pour lui dire bonjour. Depuis, on ne s’est pas quittés. Pendant des années, il n’y a jamais eu de propositions précises d’Alain, sinon deux phrases : « Si je refilme un jour un acteur professionnel, Vincent, ce sera vous. Mais je ne sais pas si je vais le faire, et je ne veux pas que vous échafaudiez quoi que ce soit. » L’autre phrase : « Je crois que j’ai trouvé quelque chose. On pourrait peut-être essayer et puis on verra bien, si ça ne marche pas on arrêtera.» Et puis : « Si on jouait tous les deux à être Président et Premier ministre ? Et de temps en temps on reviendra à nos affaires du jour.»
Le tournage s’est fait de manière discontinue ?
On tournait durant notre temps libre. L’air de rien, on a tourné pendant un an, à raison de 4-5 jours par mois. On se parlait tout le temps au téléphone, matin, midi et soir pendant un an. J’ai passé un an le cerveau occupé par Alain Cavalier et le film.
Qu’est-ce qu’on se dit en acceptant un tel projet ? « Je vais dire oui à cet homme que j’admire ?»
On se dit ça les deux premiers jours. Le troisième jour, on voit bien qu’il y a soudain une scène incroyable, atypique. Le quatrième jour, on se dit : ce n’est quand même pas rien, ce que je suis en train de faire. Le sixième jour, on croise quelqu’un qui fait : « Dis donc, j’ai entendu que tu travaillais avec Cavalier… Ah là, là, veinard ! » Puis le onzième jour, une crise de nerfs où je m’énerve contre un truc. Et le dix-septième jour, il m’appelle pour me dire : « La scène où vous vous énervez contre le propriétaire, je vous prie de croire que ce n’est pas rien ! Vous verrez ! » Et voilà… Je suis là, je vis, j’existe, il se passe quelque chose. Ça vibre !
Quand vous regardez la photo compromettante de votre adversaire politique, en pleine affaire DSK, le timing était parfait…
Incroyable. Le drame c’est que ça a été filmé sept mois avant ; ça veut dire que des affaires comme ça arrivent tout le temps en France, et dans la politique en général. C’est vous dire à quel point c’est désolant.
Vous tourniez les scènes dans l’ordre chronologique ?
Forcément. C’est le film qui fait des demandes à Alain la nuit, dans ses rêves. Il lui dit : « J’ai besoin de ça. Maintenant que vous avez proposé à Vincent d’être Premier ministre, j’ai besoin d’un moment où Vincent va vous donner sa réponse. Après il faudrait une scène où vous déjeunez tous les deux. Et puis on va aller doucement jusqu’au premier tour… »
Les moments où vous êtes vous-même dans le film, et non plus dans la peau d’un Premier ministre, ça vient d’où ?
Je ne peux pas vous expliquer. C’est beaucoup plus dément, beaucoup plus flou… C’est horrible de ne pas arriver à vous expliquer comment c’était. C’est comme de vouloir raconter un fou rire. Je ne peux pas vous raconter l’arrivée d’Alain à 11 heures à la maison, comment j’étais, habillé, pas habillé, je passais des coups de téléphone, je parlais avec la femme de ménage en même temps, il se faisait un café, on allait déjeuner. Je prenais une douche, il filmait quelque chose par la fenêtre, puis je rentrais dans la pièce et il me disait : « Prenez la caméra Vincent, je voudrais vous demander quelque chose… » Et là il me posait une question sur la bombe atomique. Et pendant que la caméra continuait de tourner on prenait nos agendas pour fixer le rendez-vous suivant. J’avais le plan de travail du Lioret et il me demandait : « Alors, comment ça se passe ? » Il y a des heures et des heures de rushes où l’on parle de tout et de rien. Un jour il m’appelle : « Est-ce qu’une voiture peut venir vous chercher ? » Et j’atterris dans la forêt de Compiègne. Il faut être libre dans sa tête.
On se souvient d’un Vincent Lindon qui disait : « l’important, ce n’est pas le réalisateur, c’est l’histoire. Ici, c’est le contraire ? »
Mais c’est la même chose… Son histoire, c’est lui, et lui est son histoire. Cela me permet de ne pas avoir de scénario précis et de faire confiance à un homme dont j’ai adoré les films.
La manière de travailler d’Alain vous inspire-t-elle ?
Il est beaucoup moins capable de faire un film avec une équipe de cent personnes que moi je ne suis capable de faire un film avec deux personnes. Il ne peut plus, il ne veut plus. Je comprends très bien. Comme acteur, je vais continuer comme avant, parce qu’il y a un plein de sujets qui vont me plaire, des metteurs en scène qui m’intéressent et qui seront accompagnés d’une équipe. Et cela me va formidablement bien, parce que l’acteur n’est pas touché. En revanche, si je dois mettre en scène, je ne vois pas bien comment je pourrais faire autrement qu’à la manière d’Alain. Peut-être pas à deux personnes, mais je ne me vois pas tourner mon propre film, ‘La Bourgeoisie’, en arrivant dans un appartement avec cinq semi-remorques, des câbles dans les escaliers, une régie, une cantine, un bureau de production, des imprimantes, des feuilles de service… Et des horaires où il faut être génial tous les jours de 8h30 à 18h… Je peux demander à un copain de me prêter son appartement. Donc, il ne me faut pas plus qu’une caméra, des cassettes et zéro franc. À l’heure de la bouffe, on descend au café du coin et on prend un jambon beurre avec une bière. On tourne en trois semaines avec des comédiens payés très peu cher mais intéressés aux recettes. Je ne mets personne en péril. Je peux me lancer dans un tel film !
C’est la première fois que l’on vous voit jouer un rôle avec vos tics…
Parce que je ne sais plus si je suis moi ou le Premier Ministre, les deux se mélangent. C’est ce qui est intéressant dans le film : pratiquement schizophrénique. C’est l’originalité et l’audace de ce film. Ça fait cent ans que le cinéma existe, et c’est rare de montrer un objet nouveau à des spectateurs.
On n’a pas beaucoup parlé du fond, mais Pater, c’est aussi une utopie politique, avec l’instauration d’un salaire maximal…
En effet, on propose un programme à la France ! Plein de choses ne sont pas restées dans le film. C’est très difficile d’en parler. J’ai juste envie que les gens aillent le voir ! C’est souvent le cas, mais là, vraiment, j’ai envie de dire: « Va le voir, on en parlera après.»
publié dans l’Express Magazine (22/06/2011)
publié dans l’Express Magazine (22/06/2011)