Synopsis
Il est parisien et l’auteur de polars à succès. Elle est l’effigie blonde du fromage Belle de Jura, la star de toute la Franche-Comté, persuadée qu’elle était, dans une autre vie, Marilyn Monroe…
Quand ils vont se rencontrer à Mouthe, la ville la plus froide de France, lui est en panne totale d’inspiration et elle déjà morte. « Suicide probable aux somnifères » en conclu la gendarmerie. Lui n’y croit pas. En enquêtant sur le passé de Candice Lecoeur, il est sûr de tenir l’inspiration pour un nouveau roman…
Equipe & Casting
Réalisateur : Gérald Hustache-Mathieu
Scénario : Gérald Hustache-Mathieu
Avec : Jean-Paul Rouve, Sophie Quinton, Guillaume Gouix, Arsinée Khanjian, Olivier Rabourdin, Clara Ponsot, Eric Ruf, Lyes Salem, Joséphine de Meaux, Ken Samuels, Antoine Chappey, Frédéric Quiring, Nicolas Robin
Programmation & Présentation
Présentation par les directeurs du Festival
Saturday, March 31 – 1:00 p.m at the Byrd Theater ~ 1h42 ~ Mature Audience
Plus d’informations
Choisissez une photo pour voir la filmographie (source : IMDB)
◊ Entretien avec Gérald Hustache-Mathieu
Au début du film, Candice parle de ses journaux intimes en disant qu’ils ne sont « pas du tout racontés avec le talent des grands écrivains». David Rousseau, lui, confie pourtant que Candice écrit mieux que lui… Le manque d’estime de soi est-il le véritable sujet de ce film ?
On pourrait ajouter ces mots de Marilyn : « Je ne suis pas très maligne je pense… » ou « les gens vont penser que je ne suis pas bonne ou rire ou me rabaisser ou encore penser que je ne sais pas jouer. » Le manque de confiance en soi, ou plutôt le complexe, social est en effet au cœur de ce film, même si je n’en avais pas conscience au départ.
À quel moment l’avez-vous compris ?
L’idée du film, au début, je ne la connaissais pas. Je savais que Rousseau était un auteur de polars en panne d’inspiration, déprimé. Avec Juliette Sales, la co-scénariste, on a mis longtemps à répondre à la question essentielle : pourquoi en était-il arrivé là ? Rousseau écrit des polars décalés qui ont un certains succès mais il a une soif de reconnaissance. Il veut changer de registre en même temps que de nom et écrire un roman dont il serait plus fier. Cela suffit à ne plus écrire une seule ligne pendant 4 ans. Comme Candice ou Norma Jeane, il croit que pour devenir quelqu’un, il faut qu’il devienne quelqu’un d’autre. À l’écriture, avec Juliette, on s’est demandé plus précisément ce qui conduit un personnage comme celui-ci à douter autant de lui-même. La réponse, je l’avais en moi : je viens d’un milieu modeste dans lequel on ne parle pas de cinéma. Je ressens souvent ce sentiment d’usurpation. Ce sentiment va d’ailleurs bien au-delà du simple complexe social, on peut le ressentir quelle que soit l’origine. Au-delà de l’aspect autobiographique, je me suis rendu compte qu’il y avait donc dans ce sentiment à priori assez banal un vrai sujet à creuser.
Ce rôle d’auteur taciturne est à priori à contre emploi pour Jean-Paul Rouve… Pourquoi l’avoir choisi lui ?
Quand j’ai réfléchi au casting, il me semblait que très peu d’acteurs avaient toutes les qualités nécessaires pour incarner Rousseau. Je savais que Rousseau avait un sens du comique. Je savais que Jean-Paul pourrait évidemment se glisser dans la peau d’un tel personnage. Concernant le côté plus sombre de Rousseau, plus aigri, parisien blasé, il fallait un comédien qui donne malgré tout envie de l’aimer. Et j’ai toujours trouvé Jean-Paul incroyablement touchant.
Comment s’est passé le tournage avec lui ?
Jean-Paul est assez exigeant et ça me convient très bien car je suis moi même plutôt perfectionniste. Il a un sens de la comédie assez incroyable et il m’a beaucoup aidé à trouver le rythme du film, à ajuster une réplique pour qu’elle soit plus drôle. En plus de son rôle de comédien, il assume aussi celui de « fédérateur » des 40 personnes présentes sur le plateau. C’est un atout précieux qui m’a permis d’être beaucoup plus libre jamais auparavant. Une autre de ses qualités, plus étonnante pour un acteur, c’est sa grande pudeur. C’est cette pudeur qui semble illuminer son visage dans la dernière scène du film. Je rêvais de filmer ça chez lui.
On a du mal à définir le genre de votre film. Est-ce un polar ou une comédie ?
Le genre d’un film est intéressant de par la structure qu’il propose. J’avais envie de me confronter au film noir pour changer de registre par rapport à mes précédents films. Mais on ne se refait pas… Pour moi, l’aspect polar n’est que la toile de fond du film, qui tend plutôt vers la comédie. Au cinéma, j’aime mélanger les genres et essayer d’incorporer à la fois du sérieux et de la légèreté… Parce qu’il me semble qu’il en va de même dans la vraie vie.
D’où vous est venue cette idée de vous inspirer de Marilyn Monroe ?
Cela n’était pas du tout l’idée de départ, qui était celle de faire un polar à Mouthe et de raconter une rencontre improbable : celle d’un enquêteur et de la victime déjà morte. Et puis, dans un article de presse, je découvre qu’un psychiatre affirme que sa patiente était la réincarnation de Marilyn Monroe. En la soumettant à des séances d’hypnose, celle-ci aurait pu revivre certaines expériences de sa vie antérieure, souvenirs qui seraient sans équivoque liés à la vie de Marilyn… ! Il suffit de voir sur YouTube les pseudos documentaires sur cette histoire pour avoir un avis sur la réalité des faits… C’est l’étincelle qui a enclenché toute la construction du scénario car le personnage de Marilyn est évidemment fascinant.
En quoi vous fascine-t-elle ?
J’avais bien sûr vu quelques-uns de ses films mais je ne connaissais d’elle que les clichés habituels. Pourtant, cet article a véritablement déclenché un désir très fort de m’intéresser à elle. Pour ce scénario, j’étais à la recherche d’une enquête à inventer, d’un mystère à résoudre… Quelle plus belle énigme que l’incarnation parfaite de l’actrice Hollywoodienne, l’orpheline abandonnée à une fin tragique et mystérieuse ? Car elle a beau avoir été analysée, autopsiée, scrutée et nous avoir tout montré de ses seins à ses fesses, on n’a jamais fini de chercher la face cachée de Marilyn. Elle reste et restera une énigme.
Qu’avez-vous vu en elle ?
Comme il ne s’agissait pas du tout de réaliser un biopic sur Marilyn, j’ai essayé de ne garder d’elle que ce qui la reliait à Candice, à cette fille de Mouthe qui croyait être sa réincarnation. Peu à peu, j’ai compris ce qui m’avait attiré chez elle : Marilyn n’incarne pas le rêve américain mais le rêve tout court. Le rêve de devenir un jour « quelqu’un ». Elle incarne aussi le revers de cette médaille puisque Norma Jeane, la femme derrière l’icône, incarne la fragilité absolue. Elle était prête à se briser à n’importe quel moment. Elle avait la gloire, la beauté, tous les hommes à ses pieds, mais une estime de soi proche de zéro. Elle incarnait mieux que quiconque le sujet que je voulais traiter.
Pour incarner celle-ci, vous avez une nouvelle fois fait appel à votre actrice fétiche, Sophie Quinton. Était-ce pour vous une évidence de lui faire jouer un personnage inspiré de Marilyn Monroe ?
Avec une autre actrice que Sophie, cela aurait pu devenir un cadeau empoisonné. Mais je la connaissais suffisamment pour avoir la quasi certitude qu’avec elle, on ne tomberait jamais dans l’imitation, ou une espèce de fausse parodie. J’ai plutôt une confiance aveugle en son talent et sa justesse d’interprétation. Je crois qu’elle a pourtant bien eu la trouille cette fois, tant le personnage de Candice, construit à travers des flash-back assez brefs, était délicat à trouver. Même si nous avons marché dans les traces de Marilyn, nous étions tous les deux d’accord dès le départ pour ne jamais nous inspirer d’elle ou essayer de la singer.
Il y a pourtant des scènes, comme la scène du Jokari dans les Misfits de John Hudson ou le Happy Birthday Mr. President, où vous êtes dans la comparaison frontale…
Oui, mais on n’a pas cherché à copier ces scènes. Le Happy Birthday, c’est une scène élevée au rang de mythe qui est donc inimitable en soi. Il ne s’agit pas du tout de rendre hommage. La scène que je sample devient une partie du film comme une autre. Je réutilise un élément pour en faire une nouvelle composition. Je l’ai appliqué en toute impunité à la vie de Marilyn : certains de ses films, des éléments autobiographiques sont eux aussi des samples que mon film a remixés avec le reste. Cette idée de sampler des images et des scènes m’a donné une nouvelle liberté dans mon travail. Tout a déjà été dit, écrit, filmé, mais en musique, on sample, on remixe. Pourquoi ne pas en faire de même au cinéma ? De toute façon, je n’invente rien. Regardez Tarantino, pour ne citer que lui !
Il y a un gendarme dans votre film qui précise que « on n’est pas en Amérique ici, on est à Mouthe. » Pourquoi avoir choisi de placer votre histoire dans cette ville, la plus froide de France ?
Il se dégageait de la ville et de ses habitants quelque chose d’étrange qui venait sans doute de ce statut un peu particulier de « Petite Sibérie ». Les décors du Haut-Doubs sous la neige m’évoquent aussi le Middle West, le Minnesota. Et pourtant, « on n’est pas en Amérique ! ». C’est d’ailleurs très significatif que cette expression soit rentrée dans le langage populaire : l’Amérique comme un ailleurs impossible, moins géographique que culturel, un rêve inaccessible, territoire d’une mythologie inégalable. En tant que cinéaste français, on se retrouve face à cette concurrence déloyale du mythe américain et j’avais envie de trouver les moyens de contourner cette impasse. Aller justement chercher « l’Amérique » à Mouthe.
L’avez-vous trouvée ?
Il y a quelque chose de très universel que tous les pays du monde ont en commun : tout comme il y a une « Amérique profonde », il y a une « France profonde », celle des provinciaux. Cette province, je la filme pour ce qu’elle est : un territoire en marge des grandes villes, dont on ne parle souvent qu’au détour d’un fait divers sordide. Une France plus ordinaire, plus modeste, un peu délaissée, dans laquelle le rêve est forcément moins accessible.
Est-ce que, comme le dit Candice, pour vous « l’enfer ressemble à Mouthe » ?
En tout cas, c’est être loin de tout quand on ne l’a pas choisi qui y ressemble. C’est pour ça que Mouthe était la métaphore idéale. C’est un village particulier traversé par une unique route centrale, qui ressemble le soir à ces villes fantômes du Far West. C’est un village frontalier où le temps n’a pas vraiment de prise et où l’hiver s’éternise. Les routes sont alors verglacées, les voitures paralysées par le givre, le pare-brise recouvert de neige et les pneus cloués au sol. Tout contribue à vous emprisonner sur place, seule échappatoire possible : la fuite.
Que représente pour vous le « rêve Américain » ?
C’est le rêve tout court: « I would be safe and warm if I was in L.A. » L’illusion d’un ailleurs où tout serait possible. Beaucoup de personnages du film ont ce sentiment commun : Leloup se voit policier scientifique au Canada, Betty attend le prince charmant et la coiffeuse a les yeux qui brillent en s’imaginant devenir la muse d’un romancier. Ils rêvent, comme tout le monde, de réussite sociale, de réussir leur vie, tout simplement.
Votre complexe à vous n’est-il pas de ne pas être un cinéaste américain ?
Ni même la réincarnation de l’un d’entre eux ! Mais dans le film je pense apporter une réponse à ce dilemme. Rousseau renonce à son pseudo et signe son roman de son propre nom. Il change son titre ronflant pour une onomatopée que je trouve personnellement chargée de mélancolie, mais qui peut paraître comique et dérisoire. En le faisant, il prend lui aussi un nouveau départ. Il s’accepte tel qu’il est.