Présentation et discussion avec Harmandeep Palminder, acteur
Many, jeune Indien de 17 ans, a été pris en charge par l’Etat français à son arrivée à Paris il y a 2 ans. Sans perdre le contact avec sa communauté sikh, il partage sa vie entre le collège, ses copains et sa nouvelle petite amie, Élisabeth. Sur la voie d’une intégration exemplaire, il ne pose de problème à personne, sauf à ses parents à qui il ne peut envoyer d’argent…
Equipe & Casting
Réalisateur • Cyprien Vial
Scénario • Cyprien Vial
Producteurs • Isabelle Madeleine, Emilie Tisné
Avec :
Harmandeep Palminder, Vikram Sharma, Elisabeth Lando…
D’où vous est venue l’idée du film ?
Entre 2007 et 2010, j’ai mené des ateliers cinéma avec un professeur de français dans un collège en ZEP (Zone d’éducation prioritaires) à Pantin. Chaque année, avec ces élèves de 4ème, nous fabriquions un film. Une année ils ont eu envie de réfléchir autour des notions de mixité, de partage et de dialogue. Ils ont imaginé des saynètes dans lesquelles des conflits dégénéraient et je les ai filmés. Parallèlement, ils voulaient montrer d’où ils venaient. Ils sont arrivés un jour habillés en tenue traditionnelle de leur pays d’origine. Je les ai photographiés et enregistrés expliquant ce qu’ils aimaient dans leur culture respective. Notre petit film était donc un mélange de scènes d’agitation et de portraits où ils se présentaient.
À la fin, un garçon qui venait du Bangladesh, Jacky, assez mystérieux, plus âgé que les autres, charismatique, réussissait à raisonner tout le monde et le film se terminait en un grand numéro de danse Bollywood ! J’ai pris un plaisir fou à faire ce petit film et une envie forte de filmer des adolescents est née à ce moment-là.
L’expérience s’est donc poursuivie hors des ateliers ?
Parmi les élèves, une jeune fille, Élisabeth, m’avait donné envie de la filmer davantage. Elle-même manifestait l’envie de jouer. Il a fallu attendre quelques années, mais voilà, elle est devenue Élisabeth dans Bébé Tigre. Jacky, le jeune garçon du Bangladesh, a déclenché autre chose. Son mystère m’intriguait. Il vivait seul dans une famille d’accueil. J’ai commencé à poser des questions, les professeurs semblaient gênés. Après les ateliers, j’ai gardé contact avec lui, j’ai commencé à enquêter et j’ai découvert son statut : mineur isolé étranger. Un statut dont je n’avais jamais entendu parler. D’après la loi française, tout enfant de moins de dix-huit ans arrivant seul sur notre territoire doit être pris en charge. Il peut être, de par son jeune âge, en danger, donc l’État se doit de l’aider, même s’il est clandestin. L’humanisme de cette loi m’a frappé, à une époque où naissait le débat sur l’identité nationale.
Jacky était bon élève et avait un fort désir d’intégration. Je me suis rendu compte ensuite que tous les mineurs isolés étrangers partageaient ce désir. Les éducateurs de l’Aide Sociale à l’Enfance soulignent leur combativité. Ils sont souvent pacificateurs dans les collèges, motivés et motivants. Cette rencontre avec une altérité étonnante à mille lieues de l’adolescence que j’ai pu connaître et la force de ces histoires de vie, m’ont fortement impressionné. C’est là que la fiction a commencé à s’inviter car j’ai eu l’impression d’avoir affaire à des héros.
Pourquoi n’avez-vous pas choisi la forme d’une chronique, comme beaucoup de cinéastes le font dès qu’il est question d’adolescence ou d’immigration?
Je voulais me confronter, à ma manière, au cinéma de genre. Faire se rencontrer la chronique adolescente, l’énergie d’une vie de classe, avec les codes du thriller, du polar. Je voulais que mon héros fasse un choix, et le choix moral est un code du film noir.
Comment avez-vous trouvé votre Many ?
Pour incarner Many, je cherchais un garçon qui maîtrise très bien à la fois le français et la langue pendjabi, et qui ait l’âge du personnage : 17 ans. Qu’il puisse avoir l’air juvénile au début du film, mais aussi faire figure d’homme à certains moments, notamment à la fin.
Il fallait que son magnétisme soit aussi fort que celui des garçons que j’avais rencontrés lors de mon enquête. Nous avons arpenté tous les lieux qui servent de points de rencontre à la communauté Sikh qui vit en Seine-Saint-Denis : les temples, les lieux de rencontres culturelles ou sportives. Nous avons rencontré Harmandeep lors d’une manifestation contre la peine de mort en Inde qui avait lieu à Paris. Il était en tête de cortège, son regard nous a tout de suite frappés. Il portait une barbe ce jour-là et m’apparaissait trop âgé. Nous lui avons tout de même demandé de se raser et de venir passer des essais. Et là, du coup, il avait l’air trop jeune pour le rôle ! Il avait donc le visage que je cherchais : modulable, en mutation. Il était parfait dans les textes que nous lui avions demandé d’apprendre, et parfait en impro. Une évidence. De plus, même s’il était né et avait grandi dans un cocon à Aulnay-sous-bois, il connaissait bien la situation des mineurs isolés étrangers, et était heureux de représenter sa communauté.
La musique est importante dans le film.
Oui, parce que je voulais un film lumineux. Au tout début du tournage, j’ai écouté les compositions d’une jeune musicienne électro, Léonie Pernet : son univers est très adolescent et j’ai été séduit par ses mélodies. J’ai choisi certains de ses morceaux existants, notamment “Butterfly”, très pop, et lui ai demandé d’en composer d’autres, qui évoquent un peu Erik Satie. Je voulais de la musique extradiégétique, au-dessus des images, au-dessus des personnages, qui apporte une touche romanesque supplémentaire, sexy, insouciante. On entend aussi à plusieurs reprises, un morceau de rap pendjabi énergisant : “Baagi music”.
Bébé Tigre ?
En rencontrant tous ces garçons, ces mineurs isolés étrangers, pendant mon enquête, l’image du tigre m’est vite apparue. Un animal instinctif qui protège les siens. Le bébé a des crocs, des griffes, mais il ne sait pas encore s’en servir. Le film raconte cela : Many est un bébé tigre qui doit sortir les griffes pour la première fois.
Voyez-vous votre film comme un film politique ?
Je préfère l’envisager dans une dimension humaniste. J’aimerais qu’il installe des éléments de réflexion sur l’intégration de ces jeunes et sur un système idéaliste qui a ses limites, mais en lequel je crois. Et puis si mon film pouvait inviter à regarder ces jeunes avec intérêt et admiration, comme de vrais aventuriers, j’en serais heureux. En fait, Bébé Tigre est un film de super héros sans super pouvoirs.
Dossier de presse “Bébé Tigre”
Français ~ 13 pages ~ 2,7 Mo ~ pdf