Présentation et discussion avec Nils Tavernier, réalisateur
Comme tous les adolescents, Julien rêve d’aventures et de sensations fortes. Mais lorsqu’on vit dans un fauteuil roulant, ces rêves-là sont difficilement réalisables. Pour y parvenir, il met au défi son père de concourir avec lui dans l’épreuve sportive la plus difficile qui soit. Vont-ils réussir à aller au bout de cet incroyable exploit ?
Equipe & Casting
Réalisateur • Nils Tavernier
Scénario • Nils Tavernier, Pierre Leyssieux, Laurent Bertoni
Producteurs • Philip Boeffard, Christophe Rossignon
Avec :
Jacques Gamblin, Fabien Héraud, Alexandra Lamy, Sophie de Furst…
Choisissez une photo pour voir la filmographie (source : IMDB)
Comment est né ce projet ?
Cela fait vingt ans que je m’intéresse aux enfants et à la maladie, et je venais de passer deux ans à l’hôpital Necker, au service de neurologie, pour les besoins d’un documentaire. J’ai été touché par certains de ces mômes différents des autres. J’avais constaté que dans certaines pathologies lourdes, les enfants pouvaient rayonner d’une énergie de vie incroyable qu’ils transmettaient autour d’eux, à leur famille et aussi à moi. Je voulais raconter une histoire qui parlait de cela, avec des personnages ni extraordinaires, ni banals, mais des individus qu’on pourrait tous être et qui vont se révéler exceptionnels grâce à l’enfant. Je voulais faire un film dont le protagoniste est certes handicapé, mais dont on oublie rapidement la pathologie : on le regarde et on constate sa différence, mais dès qu’on l’accepte dans sa différence, avec l’énergie qu’il vous renvoie, on ne voit plus le handicap. Je trouve ça magnifique.
C’est avant tout un film solaire et tourné vers la vie…
Au début du film, on est dans une famille paralysée, entre une mère qui surinvestit son fils, ce qui est fréquent quand on a un enfant différent, et un père trop souvent absent. Très vite, cette structure se débloque : les personnages reprennent goût à la vie avec l’objectif de cette course. Finalement, le moment de tension est assez court et effectivement j’ai voulu le film à la fois émouvant et surtout plein d’espoir.
On sent une violence contenue chez le personnage du père. Comment s’est-il construit ?
Au début du film, je voulais qu’il soit dans un étau : il est rentré chez lui à contrecœur parce qu’il est au chômage, il n’a pas envie de passer du temps avec son fils, et son couple – tout comme lui –est au bord de l’explosion. Je me retrouve un peu en lui: il m’arrive d’accumuler une violence contenue qui peut surgir brutalement. Peu à peu, il s’ouvre à sa propre poésie et à sa propre tendresse avec une pudeur infinie. Pour moi, le parcours de Gamblin est celui d’un héros des temps modernes : c’est ce qui donne son ampleur romanesque au film.
Le film parle aussi de l’équilibre délicat à trouver entre la trop longue absence du père et la présence parfois étouffante de la mère.
On est d’abord en présence d’une maman qui surinvestit son fils et d’un père qui a fui, puis leur position de parents va s’inverser. C’est difficile pour la mère d’accepter que le père prenne de la place dans la vie de son fils car, en même temps, elle en perd. Elle voit son enfant s’émanciper et participer à un projet avec son père, ce qui bouscule son autorité. Tout en étant heureuse pour lui, elle se sent un peu dépossédée et mise à l’écart. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup de mères, y compris dans des familles qui n’affrontent pas le handicap.
Comment avez-vous eu l’idée de Jacques Gamblin et d’Alexandra Lamy pour les parents ?
Jacques avait le corps et l’âge du personnage. Il peut avoir une vraie dureté dans le visage, mais dès qu’il sourit, il s’illumine. Je trouve qu’il y a encore beaucoup d’enfance en lui : il a gardé intacts sa capacité à s’émerveiller et son plaisir de la découverte. C’est un acteur qui accepte d’être ému par ses partenaires, ce qui n’est pas si banal. Et j’avais besoin d’un père qui vit ça. J’avais trouvé Alexandra formidable dans Les Infidèles, dans une forme d’intimité et de sincérité extrême : alors qu’on a l’habitude de la voir pétillante, c’était la première fois, à ma connaissance, qu’on l’utilisait autant dans la retenue et dans la vérité. C’est ce qui m’a donné envie de lui proposer le rôle de la mère.
Quel entraînement Jacques Gamblin a-t-il suivi ?
Jacques s’est énormément entraîné aux trois disciplines du triathlon. Du coup, il n’avait pas besoin de beaucoup de temps de récupération après les prises «sportives», ce qui m’a permis de tourner bien plus de plans que prévu. En revanche, Jacques n’a pas souhaité rencontrer de jeunes infirmes en milieu hospitalier parce qu’il souhaitait que le film dépasse la problématique du handicap. Il voulait avant tout jouer un père et travailler la relation avec Fabien, dont il se sentait responsable. Il fallait d’ailleurs que Fabien ait une confiance aveugle en lui pour tourner les scènes où ils sont tous les deux à vélo, lâchés à 55 km/h dans des virages de montagne !
Qu’est-ce qui vous a touché dans cette histoire?
Le fait que ces retrouvailles entre père et fils se font grâce au sport. Moi-même, j’ai eu l’impression de «rencontrer» mon propre père à travers l’activité physique, car c’était sur les terrains de sport que je le sentais le plus proche de moi. Le film a donc une résonnance très personnelle. J’ai aussi été ému par la découverte du monde du handicap. Je n’en avais aucune expérience et je me suis senti démuni face à cette ignorance.
Comment avez-vous abordé l’aspect sportif de votre rôle ?
Je me suis beaucoup entraîné pour pouvoir relever le défi et être crédible sur le plan technique, le spectateur se devait d’y croire. Bien que plutôt sportif à la base, je me suis donc entrainé avec un coach qui m’a fait progresser par étapes, ainsi je me suis retrouvé à tracter un Zodiac lesté de poids, ou encore à parcourir des kilomètres à vélo avec des sacs de ciment de 25 kg… De plus, il y avait un certain danger notamment quand il fallait descendre à toute vitesse les cols à vélo avec Fabien. Dans ces moments-là, je devais être tout à la fois raisonnable et très attentif car j’avais la responsabilité de Fabien, et en même temps réellement intrépide, pour qu’on sente le bonheur de la vitesse. Ainsi il nous a fallu travailler tous les deux sans filet, en toute confiance. D’une certaine manière, le film nous est rentré dans le corps à tous points de vue et c’est seulement après coup que nous avons pris la mesure des risques encourus dans le feu de l’action.
Il y a une charge émotionnelle très forte dans ce film qui se traduit par une réelle pudeur.
Je crois que ce qui a servi le film, c’est la dimension physique de nos émotions : dans l’entrainement, dans la participation à l’épreuve, et aussi dans la dépendance physique de Fabien, car je devais très régulièrement le porter, le toucher… Les «je t’aime» existent surtout dans l’action, dans cet effort commun, dans l’énergie de la préparation. C’était un ton difficile à trouver, et c’est en étant le plus possible dans le présent, proche de nos sensations physiques, que nous avons réussi à faire surgir la puissance de ces sentiments. Le premier jour de tournage a été le départ de l’Ironman, avec 7 caméras, en direct, au milieu de 2 700 athlètes, cette journée a été fantastique : j’étais très impressionné par ces gens qui décident de faire tous ces efforts pour aller au bout d’eux-mêmes. C’est un moment extrêmement intense de voir tous ces athlètes sortir de l’eau après avoir parcouru 3,8 km de nage. Car on sait qu’ensuite il leur reste des kilomètres de vélo à faire, puis ensuite un marathon ! Ils sont incroyables : ils se sont donnés un objectif, ils se sont préparés, ils foncent, et ils accomplissent une recherche assez mystérieuse, et très personnelle, une vraie rencontre mystique avec soi-même. Nils a réussi à rendre compte de la durée des 16 heures de course et de l’ampleur de l’Ironman dans la dernière partie du film. Ça fonctionne vraiment bien à l’écran : le spectateur est dans l’effort avec les personnages. J’ai l’impression que c’est une des grandes réussites du film.
Qu’est-ce qui vous a intéressée et touché dans le scénario ?
Cette histoire a particulièrement résonné en moi car je suis impliquée dans une association qui s’occupe d’enfants souffrant de maladies orphelines. Je dois dire que j’ai été très sensible à ce beau récit d’un jeune handicapé qui décide de demander à son père de participer à un triathlon. Il y avait là une formidable occasion d’évoquer le rapport au handicap: pour certains, ce rapport est très violent, comme s’il s’agissait d’une maladie contagieuse. Je suis toujours très surprise de constater ce type d’attitude, et je me suis donc dit que ce film permettrait de porter un autre regard sur le sujet. Par ailleurs, l’histoire insiste sur l’importance des liens familiaux qui, à mon avis, est un theme essentiel dans le contexte actuel. Mais c’est surtout un « feel-good movie » ! Car même si le point de départ est dramatique, l’histoire est belle, touchante, et drôle. On sort de là avec l’envie d’aimer tout le monde!
Comment s’est passé le tournage avec le jeune Fabien Héraud ?
Fabien est un amour! C’est toujours compliqué de savoir comment aborder le handicap, si bien qu’on se demande si on peut en parler ou non. En fait, Fabien est très ouvert sur le sujet: il en rit, il s’en moque lui-même et il nous a tout de suite mis à l’aise. Il faut dire que ce n’est pas un rôle facile : c’était même très fatigant pour lui car, pour commencer à 8h le matin, il devait être debout depuis 5h30 pour se préparer. En arrivant, il était donc déjà un peu fatigué, et puis il s’épuisait assez vite sur le plateau, mais il gardait toujours la pêche tant il était heureux d’être là. Il a joué son rôle de comédien à fond et il a même fait des impros. Certaines scènes avec lui étaient très faciles à jouer : il communiquait ses émotions à travers son regard et ses gestes. Je n’avais qu’à le regarder pour comprendre ce qu’il ressentait.
Que pensiez vous de ce projet dont le personnage principal est, tout comme vous, un jeune handicapé ?
Je ne connaissais pas du tout Nils, puisqu’on s’est rencontrés au moment du casting. Mais ce qui m’a vite rassuré, c’est qu’il avait déjà travaillé avec des handicapés et qu’Alexandra Lamy avait réalisé des documentaires sur les difficultés que traversent certaines familles face à la maladie ou au handicap, et qu’elle était donc assez à l’aise avec l’univers du film. Du coup, je me suis immédiatement senti compris.
Le tournage a dû être, par certains moments, difficile…
Oui, car dès que l’action devient physique cela me demande beaucoup plus d’effort que les autres. En temps normal, je suis toujours dans mon fauteuil électrique, mais là, je devais me tenir dans un bateau, et dans des fauteuils particuliers pour la course à pieds, et pour le vélo. C’était bien moins confortable que mon fauteuil et donc très fatigant, car il y avait non seulement les temps de tournage, mais aussi les moments d’attente entre les prises. Sur le vélo, c’était assez effrayant pour moi, car je me tenais à l’avant et je n’avais pas de guidon. Au début, j’avais très peur : vous êtes face à la route, absolument sans maîtrise sur le vélo et avec un sentiment de vitesse très fort. Avec l’habitude et la confiance, les fois suivantes ont été plus détendues et cela a même été un vrai plaisir.
Comment s’est déroulé le tournage du départ de l’Ironman à Nice?
On avait fait une simple répétition la veille, avec Jacques, pour se mettre dans le bain. Mais quand on est descendu de notre hôtel à 5h00 du matin le dimanche, qu’on a vu tous ces athlètes dans la rue déjà concentrés et puis l’ambiance près du site de l’Ironman, on a été à fond dans cette ambiance incroyable. On pouvait ressentir énormément d’émotion, de tension et de pression, on voyait bien que c’était vraiment l’aboutissement d’un gros travail et ça m’a vraiment bouleversé. En plus c’était mon premier jour de tournage ! C’était très éprouvant physiquement et mentalement, mais cela restera un souvenir incroyable.
Vous êtes-vous appuyé sur votre propre vécu ?
Oui, bien sûr. Pour faire naître des émotions très fortes, je suis parti de ma vraie vie et j’en ai repris certains éléments pour façonner mon personnage. Car j’ai une réelle expérience d’absence d’autonomie. Et puis, j’ai pensé à mes copains, qui rencontrent parfois plus de difficultés que moi, et cela m’a aidé pour interpréter mon personnage. J’ai un état d’esprit assez optimiste, et je sais bien que je suis handicapé, mais je me dis sans cesse qu’on n’a qu’une seule vie et qu’on doit en profiter à fond. Il faut se battre et franchir les obstacles! Je pense que quand on est handicapé, c’est absolument indispensable d’avoir une vraie force mentale.
Dossier de presse “De toutes nos forces”
Anglais ~ 9 pages ~ 2 Mo ~ pdf
Dossier de presse “De toutes nos forces”
Français ~ 16 pages ~ 2 Mo ~ pdf