Discussion avec Cyril Gély, co-scénariste et dramaturge
Dans la nuit du 24 au 25 août 1944, les alliés approchent et le général Dietrich von Choltitz s’apprête à faire sauter la ville de Paris sur ordre d’Hitler. Raoul Nordling, le consul suédois, arrive à s’introduire dans la suite du général à l’hôtel Meurice pour tenter de le dissuader d’exécuter cet ordre. Une simple nuit d’été où la diplomatie a scellé le destin de la plus belle ville du monde.
Adapté de la célèbre pièce de théâtre de Cyril Gély, Diplomatie, et mis en scène par Volker Schlöndorff, lauréat d’un Academy Award en 1979 pour Meilleur Film de Langue Etrangère pour son film Le Tambour.
Equipe & Casting
Réalisateur • Volker Schlöndorff
Scénario • Volker Schlöndorff, Cyril Gély
D’après la pièce de Cyril Gély, Diplomatie
Producteurs • Marc de Bayser, Frank Le Wita
Avec :
André Dussolier, Niels Arestrup, Burghart Klauβner…
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Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce projet ?
La guerre est une situation extrême qui révèle le meilleur et le pire chez l’être humain. Aujourd’hui, un conflit entre la France et l’Allemagne est tellement impensable qu’il me semblait intéressant de rappeler les rapports que nos deux pays ont entretenus dans le passé. Si, par malheur, Paris avait été rasé, je vois mal comment le couple franco-allemand aurait pu émerger et, au-delà, comment l’Europe aurait pu s’en remettre. D’autre part, ce qui m’a également séduit, c’était l’occasion de rendre hommage à Paris. Depuis mes 17 ans, j’ai traîné dans tous les coins de la capitale, dont je connais le moindre pont et monument : je crois bien que durant mes années d’assistanat de Louis Malle et de Jean-Pierre Melville, j’ai davantage sillonné les rues de la ville qu’un taxi ! Autant dire que j’adore Paris et qu’être invité à célébrer la survie de Paris, un demi-siècle plus tard, était un très beau cadeau.
Comment avez-vous élaboré les personnages ?
Sans être un martyr, loin s’en faut, von Choltitz se trouvait dans une situation très difficile : fidèle serviteur du Führer, il aurait été mêlé, selon certaines sources, à la liquidation des Juifs à l’Est et à la destruction de Rotterdam, qui sont des crimes de guerre, contraires aux traditions des officiers prussiens. Car le général incarne la troisième ou la quatrième génération d’une longue lignée d’officiers et son identité se définit par certaines règles militaires, comme l’obéissance (le fondement même d’une armée qui fonctionne), l’amour de la patrie et le prestige de la famille. Alors qu’en août 1944, plus aucun général allemand ne croit à la victoire, von Choltitz reçoit l’ordre de détruire Paris et il réagit avec une crise d’asthme : il est dans l’incapacité d’exécuter cet ordre, mais ne sait s’y dérober non plus. C’est la question du libre-arbitre qui ne l’est pas. Car s’il sait ce qu’il fallait faire, la force lui manque de l’exécuter. Ce n’est pas dans sa tête que la décision se prend, mais dans son corps.
C’est alors que se présente le consul Nordling, presque comme un sauveur, même si le général le considère d’abord comme un intrus qui s’introduit dans l’appartement à la manière d’un voleur. Or, à chaque fois que le consul est sur le point de s’en aller, von Choltitz a une crise d’asthme, comme pour le retenir : c’est son inconscient qui s’exprime. Le consul veut mettre fin à cette guerre. Dans son esprit, pour atteindre son objectif, tous les coups sont permis et, d’ailleurs, les méthodes des diplomates ne sont guère plus propres que celles des militaires, quoique moins mortelles. J’avais donc très envie de rendre hommage au courage, à la persévérance, à la ruse et au succès du diplomate qui, pour moi, est le véritable héros du film. Il incarne l’humanisme au-delà des lois de l’Etat.
Les deux acteurs sont habités par leurs personnages…
Pendant les répétitions, je me suis vite rendu compte que Niels était non seulement un formidable acteur, mais aussi une forte personnalité qu’il met au service du rôle. Il en fait cadeau au général pour ainsi dire, en s’investissant totalement dans le rôle. À tel point que c’était parfois inquiétant. Il est devenu sans aucune restriction ce général Allemand plus qu’aucun acteur Allemand n’aurait pu le faire, avec ses tiraillements, son entêtement et son souci de loyauté envers la tradition militaire. Il était habité par von Choltitz à tel point qu’il semblait en transe, comme s’il ne maîtrisait plus tout à fait son jeu. En face de lui, André Dussollier est un virtuose qui contrôle tout ce qu’il fait et l’affine de prise en prise. Ce n’était pas toujours facile de coordonner ces deux approches différentes qui ont chacune leur dynamique et leur rythme propres. Mais la confiance et la complicité entre eux et envers moi étaient telles qu’il n’y a jamais eu de tension que celle dû à un travail honnête.
Leur complicité était d’autant plus importante qu’ils ont déjà campé ces rôles sur scène…
Bien entendu, c’était un avantage car ils connaissaient parfaitement leurs personnages, mais cela pouvait aussi s’avérer être un inconvénient parce qu’une certaine routine était susceptible de s’installer et que la caméra le détecte aussitôt. Au cinéma, il faut que l’acteur joue la scène «comme pour la première fois». Il fallait retrouver une spontanéité, une sorte de virginité. Et la seule façon de faire, c’était de répéter encore plus. C’est ce qu’on a fait avant le début du tournage, puis tous les samedis les scènes des quatre ou cinq jours suivants. Le décor, assez sophistiqué, nous a beaucoup aidés : grâce à l’agencement des différentes pièces de la suite, on a pu mettre des distances, réinventer des gestes et des tons dans ce nouvel espace, des instants de faiblesse et d’hésitation, des moments où ils s’épient mutuellement et d’autres encore où l’un ou l’autre reste seul, où ils sont découragés et perdus, et en effet physiquement épuisés, car nous avons tourné de longues heures…
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Ce qui m’a intéressé, c’était la perspective d’aborder un pan de l’histoire relativement méconnu. En effet, on se rend compte qu’on est passé à deux doigts d’une effroyable catastrophe. Cyril Gély et Volker Schlöndorff ont réussi à illustrer l’importance de la conscience des hommes et leur aptitude à se confronter et à se dépasser : les deux protagonistes représentent leur nation et leur peuple. Et le plus remarquable (et risqué pour eux), c’est qu’ils vont délibérément outrepasser leurs prérogatives. Il ne faut pas oublier que la Suède était neutre pendant la guerre et qu’Hitler, quant à lui, voulait détruire Paris.
Comment s’est déroulée votre collaboration avec Niels Arestrup ?
J’étais ravi de travailler avec Niels. J’aime beaucoup son envie de vérité à travers son jeu. Nous tenions à servir nos personnages. On prenait du plaisir à soigner chaque séquence et à nous investir pour que le film soit le plus abouti possible. Et on s’entendait bien sur la manière de mettre en valeur les scènes, mais aussi sur les non-dits. Car, pour nous deux, l’essentiel, c’était le point d’arrivée et notre rencontre qui nous permet d’y parvenir.
Dans quel sens vous êtes-vous approprié le personnage ?
Contrairement à Staline, ou De Gaulle, dont on a une représentation publique et collective, Nordling est relativement méconnu. D’ailleurs, dans le film, il n’est pas question de cet homme à titre individuel. Du coup, l’objectif n’était pas de ressembler en tous points à Nordling : ce qui m’intéressait, c’était la manière onctueuse de se comporter avec autrui, tout en étant inflexible intérieurement. C’est donc la figure de l’ambassadeur, et sa posture, qui m’importaient essentiellement.
Connaissiez-vous les événements historiques dont s’inspire le scénario ?
Pas vraiment. Il faut dire que les tractations et négociations qu’évoque le film ont existé, mais par rapport à une tout autre nécessité : il s’agissait en effet de libérer des prisonniers politiques puis de négocier une trêve avec les résistants pour éviter que Choltitz fasse sauter la Préfecture de police. C’est la part de vérité historique. Tout le reste appartient à l’imaginaire du scénariste Cyril Gély. Car aujourd’hui tout le monde s’accorde à reconnaître que Choltitz est le seul à avoir décidé de ne pas détruire Paris.
Vous êtes-vous documenté sur le personnage ?
J’ai parcouru sa biographie et j’ai découvert sur Internet des interviews de Choltitz qui ont été réalisées dans les années 1960 à Baden-Baden où il s’exprime dans un français primaire et maladroit : il explique qu’il a décidé de désobéir à Hitler parce qu’il trouvait que c’était absurde de détruire Paris et que cela ne changerait rien à l’issue de la guerre. Ce n’était pas un rigolo… En tous les cas, ce n’était pas le genre d’homme avec qui on aurait eu envie de passer des vacances !
Parlez-moi de votre collaboration avec André Dussollier.
Ce qui nous a rapprochés, c’est qu’on était très exigeants l’un et l’autre : on est plutôt des inquiets tous les deux, et on partageait l’envie de faire du mieux possible. On poussait dans le même sens, et on avait le plus souvent le même avis dans le sens d’une exigence supplémentaire. André est un immense travailleur qui aime l’exactitude. Et je pense, modestement, être travailleur moi aussi. On s’est reconnu dans ce travail et dans l’ambition d’une forme de perfection dans le respect du public.
Dossier de presse “Diplomacy”
Anglais ~ 17 pages ~ 724 Ko ~ pdf
Dossier de presse “Diplomatie”
Français ~ 29 pages ~ 3,7 Mo ~ pdf