Présentation et discussion avec Lucas Belvaux, réalisateur
Clément, jeune professeur de philosophie parisien est affecté à Arras pour un an. Loin de Paris et ses lumières, Clément ne sait pas à quoi occuper son temps libre. Par hasard, il entre dans un salon de coiffure et il rencontre Jennifer, une jolie coiffeuse. Tandis qu’ils commencent à passer plus de temps ensemble, il est évident qu’ils ont des styles de vie divergents- la vie de Clément tourne autour des théories de Kant et Proust, pendant que celle de Jennifer est rythmée par les magazines de « Pop-Culture », la musique américaine et les romans à l’eau de rose. Malgré les différences entre leurs styles de vie, Clément et Jennifer entament une belle histoire d’amour qui va leur permettre de sortir de leur univers respectif… mais cela suffira-t-il à renverser les barrières culturelles et sociales qui les séparent?
Equipe & Casting
Réalisteur • Lucas Belvaux
Scénario • Lucas Belvaux
D’après la nouvelle Pas son genre de Philippe Vilain
Producteurs • Patrick Quinet, Patrick Sobelman
Avec :
Emilie Dequenne, Loïc Corbery, Sandra Nkaké, Charlotte Talpaert, Anne Coesens…
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Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre en image le roman Pas son genre de Philippe Vilain ?
Je ne connaissais pas le travail de Philippe Vilain. J’ai entendu Clémentine Autain parler de ce roman un matin à la radio, elle en parlait très bien, et son compte-rendu m’a tout de suite donné envie d’en faire un film. J’ai acheté le livre dans la journée. L’adaptation n’était pas évidente car l’histoire est racontée à la première personne. J’aurais pu lui rester fidèle en utilisant une voix off, mais on en restait au seul point de vue du narrateur, et ce regard masculin, les commentaires qu’il faisait en permanence sur le personnage féminin auraient déséquilibré la relation. Ce qui fonctionnait immédiatement, et de manière très forte dans le livre, à mon sens, n’aurait pas eu le même effet dans le film. J’ai choisi de rééquilibrer les points de vue, afin de regarder les deux personnages à la même distance, de les traiter de la même façon parce que, finalement, malgré leurs différences, je suis aussi proche d’elle que de lui. « Madame Bovary c’est moi », comme disait Flaubert! Moi, je suis tantôt Clément, tantôt Jennifer.
Aux yeux du spectateur, ce professeur de philo muté à Arras part avec un handicap. Très vite, par la scène de rupture qui ouvre le film, puis par la discussion qu’il a avec une autre ex, on le sent assez rigide dans ses relations avec les femmes.
D’emblée, c’était manifeste dans le livre : cet homme est un handicapé sentimental, quelqu’un qui ne peut pas aimer, ni s’engager car pour lui, cela impliquerait de perdre toute possibilité de rester ouvert à ce que la vie réserve. Il est sincère sur le moment, mais refuse de promettre à long terme.
Est-il pour autant cynique ?
Jamais ! Et d’ailleurs il souffre de ses ruptures, et il sait qu’il fait souffrir la femme qu’il quitte, mais sentimentalement il n’est que dans le présent ! Intellectuellement, il maîtrise ses pensées, son destin, mais dans le domaine de l’amour, l’attachement lui pose un problème.
Jennifer est une femme qui ne s’engage pas à la légère.
Elle est généreuse, entière. Quand elle aime, elle aime. Aucun autre homme n’existe. Mais elle sait qu’avec l’âge, une coiffeuse, mère célibataire arrageoise de 35 ans, n’est pas à égalité avec un intellectuel parisien qui en a 38. Lui est encore en pleine ascension, intellectuellement, socialement… Alors qu’elle se vit comme étant déjà sur le déclin. Elle ne veut plus d’idylle furtive, elle cherche celui avec qui elle pourra construire quelque chose pour la vie. Lui, elle va le mettre à l’épreuve, le jauger, l’évaluer. Est-ce qu’il l’aime ou pas, cela reste sa
question pendant tout le film. Peut-être est-elle plus philosophe que lui, au quotidien !
Le thème de la fracture sociale est récurrent dans vos films.
Oui, mais ici, il s’agit plus d’une fracture culturelle que d’une fracture sociale. Mais c’est toujours un faisceau de choses qui déclenche un désir de film, en particulier une attirance immédiate pour des personnages. Là, autant elle que lui m’ont séduit. Quand j’ai lu le livre, j’ai eu envie de les voir, de les faire parler, s’aimer, se confronter.
Aviez-vous des références en tournant ?
Je n’en ai jamais. C’est après coup que l’on peut se dire que, peut-être, il y avait du Truffaut dans Pour rire !, ne serait-ce que parce que la présence de Jean-Pierre Léaud pouvait donner au film un côté post-Antoine Doinel. Cavale pouvait évoquer une influence de Jean-Pierre Melville. Cette fois, je ne vois pas. C’est un film à deux personnages qui parlent et il fallait l’assumer tranquillement. Faire confiance aux personnages, aux dialogues, à la situation. A certains moments, dans les scènes du karaoké ou du carnaval, j’ai pu me lâcher. Mais sinon il fallait ne pas avoir peur des champs-contrechamps. Je voulais rester proche d’eux, bouger avec eux, être en intimité avec eux. Je voulais donner de l’espace aux comédiens, les laisser jouer. Le champ-contrechamp permet ça, on enregistre de longues scènes en une seule prise, que l’on monte après, mais où l’acteur a pu jouer 3 ou 4 minutes sans être interrompu. Pendant ces minutes-là, le temps appartient à l’acteur. Et l’espace aussi, l’espace à l’intérieur du cadre. Mais je ne me suis pas interdit les plans séquences, non plus… J’ai essayé d’être le plus libre possible.
Y a-t-il une satire du milieu intellectuel ?
Non. Un personnage ne vaut que pour lui, il n’est pas nécessairement emblématique d’un milieu.
Ceci dit, je pense que la culture ne sauve, et ne protège, de rien. On est d’abord mû par notre inconscient, nos pulsions, ni la culture ni l’intelligence ne sauvent d’un comportement. La force, la beauté d’un être humain est au-delà de ces « qualités ». Elle est question de générosité, d’attention aux autres, de liberté de penser, de faculté à donner et recevoir.
L’histoire se déroule à Arras. C’est votre univers !
Je n’ai pas eu à tricher, c’était dans le livre ! Les deux grandes places d’Arras m’apparaissent comme des décors de théâtre, des toiles peintes. D’ailleurs ce sont presque des décors puisque toutes les façades ont été entièrement reconstruites après la guerre de 1914. C’est vrai qu’en tant que belge, je me sens chez moi. Les carnavals, les fanfares, la bière, les frites, la convivialité, ce sont des codes culturels que je connais. Clément, lui, n’est pas du coin, il considère cette ville comme un pensum, loin du monde, de son monde, bien qu’elle ne se situe qu’à une heure trente de Paris. Alors ce folklore où l’on se déguise, où l’on fait ce qu’on veut, où l’on se lâche, on boit beaucoup, on mange beaucoup, on parle fort, on rit fort, on danse, on chante dans la rue, le laisse indifférent. Il est là en spectateur.
Dossier de presse “Pas son genre”
Anglais ~ 17 pages ~ 340 Ko ~ pdf
Dossier de presse “Pas son genre”
Français ~ 18 pages ~ 340 Ko ~ pdf