Présentation et discussion avec le réalisateur, scénariste et acteur Vincent Glenn et la productrice Moïra Chappedelaine-Vautier
Ils étaient au chômage, ils sont devenus immensément riches en un temps record, et bien sûr, ça leur pose quelques problèmes… Mais ce n’est pas l’essentiel. L’essentiel, c’est qu’entre-temps ils ont complètement bouleversé l’économie mondiale. Comment s’y sont-ils pris ? Au commencement, une idée simple, une simple idée…
Equipe & Casting
Réalisateur • Vincent Glenn
Directeur de la photographie • Nara Keo Kosal
Scénario • Vincent Glenn, Antoine Dumontet, Philippe Larue, Frédéric Riclet et Barbera Visser
Compositeur • Fantazio, Tony Allen and Pierre Boscheron
Producteur • Moïra Chappedelaine-Vautier
Avec :
Vincent Glenn, Dan Herzberg, Nicolas Le Quang, Julie de Bona, Marlène Michel…
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Pourquoi avoir travaillé à un escamotage de la frontière réalité/fiction ? Notamment avec le fait que plusieurs personnages jouent leur propre rôle ?
Un documentaire s’appuie historiquement sur la notion de « document », c’est un cinéma dit « du réel », et il y a une convention passée avec les spectateurs auxquels le documentariste vient présenter du « vrai ». Si telle est la convention de départ, un spectateur non naïf peut légitimement chercher le faux dissimulé derrière ce « vrai » : un propos ou un chiffre non vérifié, un acte qui a été exagéré, un autre tronqué.
Avec la fiction, il peut s’opérer le phénomène inverse. Le code qui fonctionne a priori est que c’est « globalement faux », reconstitué, joué, interprété, comme au théâtre… mais, quand ça marche bien, ça peut donner aux gens l’envie d’imaginer le contraire, tout ce qu’il y a de vrai derrière tout ça, tout ce à quoi ça « fait penser », qu’on a observé dans la vraie vie. L’exemple le plus illustre et génial est sans doute Le Dictateur de Chaplin, qui montrait un Hitler plus vrai que nature derrière la caricature de Hynkel… C’est ce que peut apporter l’art, le théâtre, la poésie. Laisser de la place au regardeur afin qu’il crée lui-même une partie du sens. J’aime l’idée qu’avec une fiction, on puisse créer du désir de « vrai », voire de « passage à l’acte ». Par ailleurs, depuis longtemps, j’apprécie les films hybrides, où l’on ne sait pas toujours si c’est du lard ou du cochon, un polar ou de la science-fiction… J’avais envie d’aller vers ces frontières, créer des fausses pistes et inciter les spectateurs à trouver la leur.
Pouvez-vous nous dire quelques mots de l’agence de notation qui est au cœur de votre film ?
Dans l’imaginaire contemporain, l’agence de notation représente la notion d’information augmentée de celle d’efficacité. En gros, une information qui a des conséquences sur le réel. La peur d’être mal noté par ces agences, d’y perdre en réputation, fonctionne depuis des années comme un argument premier pour les Etats : si on ne réduit pas la dépense publique, on va être épinglés par ces agences, et les banques nous prêteront moins facilement, notre dette va encore s’accroître, etc.
Sous couvert de ces constats, les politiques « dégraissent » les services publics, et donc les biens communs… L’opposant à cette tendance, l’idée d’une « agence de notation citoyenne » a émergé au sein des mouvements sociaux. C’est un des points de départ du film : que se passerait-il si une agence de notation d’un nouveau type avait un pouvoir d’influence comparable à celui des trois plus connues – Fitch, Moody’s et Standard & Poors – mais sur la base de critères pas seulement financiers, mais écologiques et humains… ?
Le fait d’avoir été produit au sein d’une coopérative a-t-il eu des conséquences particulières ?
La production s’est concrétisée au fil du temps, le plus souvent sans ou avec très peu d’argent. Au final, plus de 500 personnes se sont impliquées dans le film à différents niveaux. On a fini par faire une force de notre faiblesse économique, mais c’est plus facile à dire maintenant, et je ne souhaite à personne de travailler dans des conditions précaires comme nous l’avons fait.
Mon film a pu exister uniquement grâce aux contributions et à l’énergie de cette multitude de personnes.
La dualité individu/collectif est un des axes qui portent le film. Il s’inspire de nombreux conflits vécus, et des diverses tentatives de faire exister notre coopérative depuis 10 ans. Dans une équipée, la question de la gestion des égos est essentielle, surtout si on regarde les choses avec un point de vue anti-autoritaire… Ce que Viveret appelle avec humour le PFH, le Putain de Facteur Humain, ou le nécessaire recours à une égologie…
Vous avez beau vous réclamer des principes les plus fraternels ou égalitaires, les réalités humaines ne s’y emboîtent pas par magie. Quiconque a travaillé avec ne serait-ce que 5 ou 10 personnes en « collectif » sait que la démocratie est un principe qu’il faut en permanence actualiser, consolider, remettre sur le métier. Je rêve de m’associer un jour à un film comme le faisaient les Monty Python, avec un auteur collectif portant un nom de groupe. Ce n’est pas le cas de ce film-là, qui est plus un film personnel où beaucoup de gens se sont impliqués qu’un « film collectif ». Le fait de travailler au sein d’une coopérative a été déterminant, impliquant beaucoup de délibérations, une fragilité financière certaine, mais surtout une très grande autonomie et un respect radical de la voix des auteurs.
Dans le film, l’agence de notation catalyse des valeurs et des aspirations. Est-ce que ces valeurs et ces aspirations existent ?
Pour moi, très clairement, même si on ne la voit pas encore dans les médias de masse. Il y a une soif extrêmement forte de propositions progressistes à visage humain, comme de prises de parole politiques sans langue de bois.
Il est vérifié statistiquement que les pays où la violence règne le plus sont ceux où existent le plus d’inégalités sociales. Et ça rend l’humanité bipolaire comme on le dirait d’un individu atteint de cette pathologie. La question est jusqu’à quand ? L’ultra richesse (folle) d’un côté et la misère (qui rend fou) de l’autre.
Pourtant j’ai observé en beaucoup d’endroits que si l’utopie est concrète, pratique, à échelle humaine, les gens sont preneurs. Et là, ils savent déplacer des montagnes ou marcher sur la Lune…
Je crois aussi que nous commençons à en avoir profondément marre du nihilisme (qui est devenu une sorte d’idéologie dominante ces 20 dernières années), du cynisme marchand et de la gestion à court terme. Ce n’est pas encore articulé par un mouvement politique réellement coordonné et respecté du plus grand nombre, mais on peut déjà en voir les signes avant-coureurs un peu partout, avec la multiplication d’autres manières de produire plus respectueuses du social et de l’environnement…
Dossier de presse “Enfin des bonnes nouvelles”
Français ~ 4 pages ~ 2,4 Mo ~ pdf