Présentation et discussion avec Thomas Vincent, réalisateur et scénariste
Suite à un rarissime accident, Paul Sneijder ouvre les yeux sur la réalité de sa vie de « cadre supérieur » à Montréal : son travail ne l’intéresse plus, sa femme l’agace et le trompe, ses deux fils le méprisent…
Comment continuer à vivre dans ces conditions ? En commençant par changer de métier : promeneur de chiens par exemple !
Ses proches accepteront-ils ce changement qui le transformera en homme libre ?
Equipe & Casting
Réalisateur • Thomas Vincent
Directeur de la photographie • Ronald Plante
Scénario • Yaël Cojot-Goldberg and Thomas Vincent
Scénaristes • Thomas Vincent et Yaël Cojot-Goldberg
D’après le roman Le Cas Sneijder de Jean-Paul Dubois
Compositeurs • Philippe Deshaies, Lionel Flairs, Benoît Rault et Antoine Bedard
Producteurs • Pierre Forette, Thierry Wong, André Rouleau and Valérie d’Auteil
Avec :
Thierry Lhermitte, Géraldine Pailhas…
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Quand avez-vous décidé d’adapter Le Cas Sneijder, le roman de Jean Paul Dubois, et pour quelles raisons ?
Les livres de Jean Paul Dubois sont comme les films de Woody Allen : dès les premières secondes vous savez où vous êtes ; il y a un charme qui vous prend immédiatement. Chaque fois que j’ai lu un de ses livres, je me suis interrogé : adaptable ou pas ? Pour moi ou pas ? Quand Le Cas Sneijder est sorti, en 2011, c’est Yaël Cojot-Goldberg, mon épouse et coscénariste, qui l’a lu en premier. Après l’avoir refermé elle m’a dit : celui-ci est pour toi. Il y a effectivement dans le personnage principal quelque chose qui me correspondait vraiment à ce moment-là, quelque chose de désespéré, avec une forme de distance ironique sur le monde que j’ai toujours d’ailleurs. J’aimais l’idée que l’histoire se déroule au Québec, sous la neige, ça lui donnait une force métaphorique qu’elle n’aurait pas eue autrement, comme une façon de sortir du réalisme tout étant dans le réel. Enfin il y avait cette grande qualité, omniprésente chez Dubois, ce talent qu’il a de vous faire rire des choses les plus tristes et inversement.
L’un des intérêts de cette histoire réside-t-il, pour vous, dans le décalage existant entre le drame et certaines situations comiques ?
L’humour est évidemment une défense contre l’angoisse et l’idée de mort. Il est difficile de parler de sujets aussi graves que le deuil, la culpabilité, la lâcheté, la démission, en restant au ras des choses, au premier degré. Certains, comme Haneke, le font magnifiquement bien. Moi, je préfère établir un rapport de camaraderie complice avec le spectateur. Woody Allen et Dubois parviennent à créer un sentiment d’intimité dans le drame, comme une discussion amicale, que j’aime beaucoup. Façon de dire : ok, tout va mal, l’histoire ne sera pas tendre avec nous, mais on peut en parler, sans grandiloquence, avec humanité, indulgence et surtout avec une bonne dose d’autodérision.
Etes-vous d’accord avec Jean Paul Dubois pour dire que l’ascenseur est l’épine dorsale du monde moderne ? L’ascenseur n’est-ce pas contre-nature dans le sens où ce serait l’opposé ?
L’ascenseur est une des incarnations de l’absurdité qu’il y a à empiler les gens les uns au-dessus des autres et à devoir construire des ascenseurs pour les faire monter. Mais le débat entre nature et contre-nature n’est pas ce qui m’obsède le plus. C’est l’idiotie managériale qui me heurte, la “managérisation” du monde, qui me prend à la gorge. Sneijder a été un agent de ça pendant toute sa vie, un bon petit soldat, il s’est nié, il a nié sa fille, sa famille. Il a été un lâche très longtemps, et l’histoire du film c’est comment, d’un seul coup, il se prend cette lâcheté en pleine face, comment il réagit et comment il décide de se réformer.
Les conditions climatiques ont-elles compliqué le tournage ?
Pendant la préparation le thermomètre est descendu jusqu’à -30°C. Nous avons tourné avec des températures oscillant entre -15°C et -20°C. Nous étions équipés, par exemple, de chaussures avec semelles chauffantes dont on peut augmenter la chaleur avec une télécommande. Malgré tout, tourner dans le froid est beaucoup plus pénible que de tourner dans la chaleur. On ne s’y fait pas. Le temps passe moins vite, on a envie d’en finir, il faut résister à la tentation de bâcler pour rentrer plus vite se réchauffer.
Au début du film la neige qui recouvre la ville donne une impression de grisaille proche du noir et blanc, elle uniformise tout. Est-ce voulu ?
L’uniformisation, la standardisation d’un monde où plus rien ne dépasse est un thème important du film. Les enfants de Paul, golems de leur mère, sont en uniforme de leur collège. Anna, sa femme, applique à leur vie intime les principes de la vie d’entreprise. Leur maison ressemble à une maison témoin, standard. Rien n’a de personnalité, juste de la fonctionnalité, tout est normé. Paul dira d’ailleurs en parlant de sa famille qu’elle est une société anonyme. J’aime le double sens de cette formule.
Comment votre choix s’est-il porté sur Thierry Lhermitte pour incarner Paul et que lui avez-vous dit du personnage, qu’attendiez-vous de lui ?
Thierry est un fan de Dubois, il fait partie de la communauté, de l’église « duboisienne ». Il avait donc lu le livre bien avant le scénario. Quand nous nous sommes rencontrés, je lui ai expliqué dans quelle direction je voulais aller, comment, pourquoi. Il a dit oui à chacune de mes idées comme si c’était une évidence. En un quart d’heure, nous sommes tombés d’accord sur tout ou presque. Notre relation s’est construite sur ce mode, très simple, jamais conflictuel. Je voyais bien pourtant, qu’il y avait une réelle distance entre ce vers quoi je l’emmenais et ce vers quoi il serait allé naturellement. Mais il a été d’une loyauté totale. J’ai senti qu’il me faisait confiance.
Comment l’avez-vous dirigé ?
Thierry a tout le temps accepté mes indications avec beaucoup de modestie pour un acteur qui a fait tant de choses. Il a accepté d’être dans le personnage, de s’y oublier. Je trouve que c’est une performance éthique autant qu’artistique. Et c’est un honneur qu’il m’a fait.
Il y a une volonté évidente de le filmer de très près. Pour quelles raisons ?
J’ai mis en place une grammaire visuelle très particulière. Les objectifs que j’ai utilisés ont servi, par exemple, à Polanski pour Chinatown ou plus récemment à Nolan pour Inception. Ils donnent cet effet d’immersion incroyable que je souhaitais pour que le film se déroule à travers le point de vue de Paul, au plus proche de lui, au plus près de son âme.
Qui sont les formidables acteurs québécois qui l’entourent, comment les avez-vous choisis ?
Sa nouvelle famille… Grâce à eux, il se refait une humanité. Pierre Curzi, vu, entre autres, dans Le Déclin de l’Empire américain, apporte quelque chose d’ambigu : il amène énormément d’empathie à son personnage et pourtant à y bien regarder, il a un physique à jouer dans Le Parrain. J’aime beaucoup ce contraste. J’avais vu Guillaume Cyr, qui incarne Charisteas, le patron de la société de promeneurs de chiens, dans des films québécois. C’est un acteur comique immense, à l’image de sa corpulence. On a beaucoup ri à créer ce personnage hybride de colosse à la limite de l’autisme.
Pourriez-vous nous parler du travail effectué sur la bande son qui soutient la tension de votre propos ?
Au départ je n’imaginais rien pour accompagner le film. J’ai découvert le groupe canadien Timber Timbre par hasard à la radio et puis j’ai oublié. Pendant la préparation, j’ai de nouveau entendu un titre de ce groupe dans un taxi à Montréal et, avec le décor, l’illumination est venue. Ce cocktail d’apesanteur dépressive et de distance humoristique collait parfaitement à mon propos, au décalage voulu. « Beat the drum slowly » la première chanson du film puis « Bring me simple men » sont, comme d’autres titres dans le film, de ce formidable groupe canadien. Tout le reste a été principalement composé par le trio français Hit’n'Run qui avait composé la BO des Combattants. Ils apportent une touche électro qui permet de creuser le sillon dramatique du film sans tomber dans le pathos. Travail de haute précision !
Y a-t-il des bruits d’ascenseur, de câbles qui grincent, dans cette bande son oppressante ?
Il y en a oui, mêlés à d’autres choses. Avec Olivier Dô Hùu, le mixeur avec qui je travaille depuis toujours, nous aimons travailler sur des sons qu’on n’identifie pas forcément mais qui apportent leur pierre à l’édifice du film. C’est présent de manière sous-jacente, comme un tapis sonore auquel on ne fait pas forcement attention mais qui forme une texture, un peu comme des acouphènes qui nous font partager l‘état mental de Paul. On ressent ce qu’il ressent, enfin j’espère.
Qu’y a-t-il de vous dans ce film, qu’est-ce qui vous ressemble ?
Tout. Et d’abord le personnage principal, son côté réaliste et fuyant. Sa lâcheté et sa capacité de résistance, je les ai aussi. Son regard sur le monde, c’est le mien. La Nouvelle Vie de Paul Sneijder est le film que je rêvais de faire, je l’ai fait et j’en suis très heureux. Je suis en phase totale avec lui.
Dossier de presse “La nouvelle vie de Paul Sneijder”
Français ~ 15 pages ~ 848 Ko ~ pdf